• le 6 octobre 2024

QUE FAIRE DE NOS ERREURS ?

Sophie HELMLINGER

1 Pierre 4,7-11

La fin de toutes choses est proche. Montrez donc de la sagesse et soyez sobres afin de pouvoir prier. 8 Ayez avant tout un amour constant les uns pour les autres, car l’amour couvre une multitude de péchés. 9 Pratiquez l’hospitalité les uns envers les autres, sans murmurer. 10 Mettez-vous, chacun selon le don qu’il a reçu, au service les uns des autres, comme de bons administrateurs de la grâce de Dieu, variée en ses effets. 11 Si quelqu’un parle, que ce soit pour transmettre les paroles de Dieu ; si quelqu’un assure le service, que ce soit avec la force que Dieu accorde, afin que par Jésus Christ Dieu soit totalement glorifié, lui à qui appartiennent gloire et domination pour les siècles des siècles. Amen ! – 

C’est donc le disciple Pierre qui écrit cette lettre. On ne sait pas à qui il l’écrit, mais on est à peu près sûr qu’il la rédige à la fin de sa vie. On peut y voir un peu de son testament. Il dit des choses importantes, comme un ancien qui a vécu beaucoup de choses et qui veut faire profiter les autres de son expérience. 

De l’expérience, il en a ! Contrairement à Paul, il a suivi Jésus de près, il a été un témoin direct de ses miracles, des enseignements de Jésus. Il doit avoir de très bons souvenirs. Et de moins bons aussi, sans parler de la mort de Jésus. Je veux parler de ses erreurs. Des loupés dans sa vie de disciple, il en a connu quelques-uns. Des échecs cuisants. Qui ont peut-être laissé des blessures chez lui. Il a dû avoir honte, très honte. En tout cas, moi j’aurais eu très honte, et je ne sais pas si je m’en serais relevée. De telles erreurs… est-ce que ça se pardonne ? 

Bourde n°1 : il se prend un vent en public de la part de Jésus. Jésus explique à ses amis comment il va mourir et Pierre, valeureux disciple lui répond : « non, non, la mort dont tu parles n’arrivera pas », sous-entendu : « on va te protéger, ne t’inquiète pas » Mais, nous dit le texte, Jésus, se retournant, dit à Pierre : Arrière de moi, Satan ! Tu m’es en scandale ; car tes pensées ne sont pas les pensées de Dieu, mais celles des hommes. Matthieu 16:23.

Oups ! qui aurait aimé se prendre ça dans les dents ? Devant tout le monde, en plus ! Il a appris à ses dépens qu’on peut avoir de très bonnes intentions sans pour autant être dans la pensée de Dieu. Ce qui compte, ce n’est pas ce que je veux faire, c’est de faire la volonté de Dieu.

Bourde n°2 : Jésus est à Gethsémané avec ses plus proches amis. Sa fin arrive, il le sait, il se met à l’écart pour prier et demande à ses disciples de veiller et prier eux aussi. Que fait Pierre, notre valeureux disciple qui voulait éviter à Jésus une mort certaine ? Il s’endort comme les autres. Jésus lui a même reproché de n’avoir ni veillé ni prié. Et pourtant, c’est à cet homme de Jésus avait dit ; « tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église ». Ça commence fort ! On aurait pu attendre du leader, au moins, qu’il reste éveillé. Eh bien non. Pierre a sans doute reçu une leçon d’humilité ce jour-là.

Bourde n°3 : la trahison. On est bien au-delà de la bourde, là, vous serez d’accord avec moi ? Pierre a trahi Jésus. Alors que Jésus l’avait prévenu que ça se passerait. Il aurait pu être vigilant. Non, il a nié connaître celui qu’il suivait depuis 3 ans. La peur a tout anéanti de ces bonnes décisions.  

C’est ce Pierre-là qui est en train d’écrire. Un Pierre vivant, chutant, se trompant. Quand je me suis remise en contact avec cette réalité, ce que j’ai lu avait plus de poids. Ça avait le poids du vécu.

Au cabinet, j’entends souvent : « Si on n’a pas vécu ce que je suis en train de traverser, on ne peut pas me comprendre. Je veux bien recevoir des conseils, mais pas de quelqu’un qui n’a pas mon expérience. »

Eh bien ici on est gâtés, on reçoit des conseils de quelqu’un qui sait de quoi il parle : un pêcheur pécheur. Un pêcheur pauvre pécheur. Un marin qui commet des fautes. 

Judas aussi a trahi son maître, ça s’est fini au bout d’une corde. 

Il y en a un qui n’a rien assumé, qui s’est laissé mourir de honte et de culpabilité.

Et un autre qui a failli mais qui a assumé sa faute et en a fait quelque chose : écrire, prévenir, construire l’église primitive. J’imagine assez aisément qu’il a utilisé son expérience pour enseigner. Qu’il a donné des exemples. En tout cas, il savait de quoi il parlait quand il parlait de péché et de rédemption. 

Alors, moi ? qu’est-ce que je fais de ma faute ? Qu’est-ce que je fais de mon péché ? Qu’est-ce que je fais de moi, pécheur, pécheresse ? Est-ce que j’en fais une excuse pour me planquer, pour ne pas servir dans l’église « oh non, je suis tellement mauvaise, Dieu ne peut que m’en vouloir, je ne suis pas digne de le servir etc. » Comme si Dieu nous demandait un CV pour entrer à son service ! ou bien un extrait de casier judiciaire…

Et une autre question, si vous me le permettez : et moi, qu’est-ce que je fais face au pécheur ? Est-ce que dans les assemblées qu’il visitait il y avait quelqu’un qui se levait pour le mettre à la porte : « dégage, traitre, tu n’as rien à faire ici ! ».

Est-ce que je supporte que mon église soit remplie de gens qui font des bourdes ? 

Est-ce que les premiers chrétiens ont supporté que celui à qui Jésus a confié la mission de bâtir son église s’est planté plusieurs fois ? 

Est-ce que moi je supporte que les anciens, les conseillers, les responsables locaux et nationaux fassent des bourdes ? 

Est-ce que je l’accepte comme étant quelque chose de naturel, d’humain, parce que l’église a été confiée à des humains ?  Ou bien est-ce que je suis dans le rêve que tout chrétien est forcément parfait et qu’une erreur faite par un chrétien compte double, voire triple. Honnêtement, comment je vois la chose ?

Est-ce le moment pour moi de pardonner, de me pardonner d’être tout simplement un être humain, faillible ? 

J’arrête les questions, je me plonge dans le texte.

Au vu de la fin qui approche, Pierre nous donne des ordres. « Montrez de la sagesse et soyez sobres », « Aimez-vous », « Exercez l’hospitalité », « Agissez ». 

Est-ce que Dieu, dont Pierre se fait porte-parole, serait un Dieu dictateur qui nous impose des choses qui n’ont pas de sens ? Qui joue de nous comme d’une marionnette ? Certains, ici, sont peut-être de ceux à qui il suffit de donner un ordre pour qu’ils aient envie de faire le contraire ? Ça aussi c’est humain.

Comment entendre les propos de Pierre sans se braquer ? Calvin nous éclaire, à partir de ce qu’il a lu dans la Bible : ce n’est ni la Loi, ni les commandements qui nous permettent de recevoir la faveur de Dieu. L’amour de Dieu est un cadeau gratuit et nous ne pouvons rien pour le mériter. 

Par contre, une fois que nous avons accepté ce fait d’être des enfants aimés de Dieu, il est important de se rappeler la Loi pour nous souvenir de la responsabilité que nous avons en tant que croyant. 

Pierre l’évoque dans le passage précédent que j’ai lu pour la confession des péchés : vivre en Christ nécessite, implique un changement visible de comportement. On ne peut plus vivre « selon la chair », c’est-à-dire en fonction de tous nos instincts ; à partir de la partie de nous-mêmes qui ne veut pas obéir à Dieu. Cette chair, nous devons la rendre obéissante à la Parole de Dieu si nous voulons décoller spirituellement. 

On ne peut pas le faire par nos propres forces, on ne peut que demander au saint Esprit de le faire en nous. Notre job, à nous, c’est de veiller et de prier.

Alors, même si j’ai du mal avec les ordres, je me rends compte que bien souvent, j’ai besoin que Dieu me rappelle ses exigences à mon égard, j’ai besoin que Dieu me rappelle ce qu’il est juste de vivre et comment je suis appelée à vivre. J’ai finalement besoin de direction pour ne pas stagner sur mon chemin. «J’ai mis devant toi la vie et la mort, choisis la vie afin que tu vives.»

Je ne sais pas si Pierre a choisi délibérément un ordre pour énoncer ces injonctions, mais tel que ça nous est présenté ici, ça a beaucoup de sens.
D’abord, mener une vie de sobriété et de modération, montrer de la sagesse et être sobre pour être disponible pour prier ; ensuite, aimer ardemment, puis exercer l’hospitalité et exercer les dons spirituels. 

Veillez sur vous et priez…. Pourquoi ? Pour être un modèle de zénitude ?  Non. Ayez les idées claires pour pouvoir prier. Veillez à ne pas être encombrés dans vos corps par des beuveries et des gueuletons pour pouvoir prier. Veillez à ne pas être encombrés dans vos cœurs par du trop-plein, des préoccupations, des bruits inutiles pour pouvoir prier. 

Le deuxième commandement que nous laisse Pierre, c’est évidemment celui de l’amour, qui est la base de la vie chrétienne. L’amour qui couvre une multitude de péché. 

Tiens ? Est-ce là la clé pour comprendre pourquoi Pierre s’est relevé de toutes ses bourdes ? Parce qu’il a reçu cet amour qui couvre une multitude de péché. Souvent je prends comme modèle de pécheur David qui a fait tuer le mari de Bethsabée pour en faire sa femme. Ça n’a pas empêché Dieu de continuer à faire alliance avec lui. Mais moi je n’ai tué personne, David est un peu loin de moi. Pas Pierre. Pas Pierre qui s’est trompé en pensant faire la volonté de Dieu, pas Pierre qui a oublié de veiller et de prier. Pas Pierre qui a trahi Jésus. Il est mon frère de péché. Et lui a continué de servir Dieu, grâce à cet amour qui couvre une multitude de péché. 

Vous avez remarqué qu’il tient le même discours que Paul ? Il place l’amour en premier, avant les dons spirituels. Aimer est mille fois plus importants que d’exercer des dons. Et l’amour est à portée de tous, du moment qu’on va le puiser à la bonne source ? 

On a souvent tendance à penser que l’amour est quelque chose qui nous tombe dessus, un amour qui ne s’explique pas, qui ne se choisit pas. Et pourtant l’apôtre nous rappelle que l’amour peut aussi être un choix, une réponse à un commandement.

 Jésus-Christ nous montre justement que Dieu fait constamment le choix de nous aimer, quelles que soient nos failles ou nos erreurs. L’amour de Dieu ne dépend pas de sa sympathie pour nous : c’est un choix absolu et constant de sa part. 

Il nous invite de même à faire ce choix de l’amour qui transforme notre vie, nos communautés, notre monde, cet amour qui nous illumine. Je suis appelée à aimer mon frère et ma sœur, et à persévérer dans ce choix de l’amour avec intensité.

De façon logique, la conséquence de cet amour c’est qu’il se manifeste concrètement, de façon incarnée. Par exemple dans l’hospitalité et le service.

 Sommes-nous, ici, à Thiers – Les Sarraix, une communauté où l’amour, ça se voit, ça circule ? Une communauté où vraiment on s’aime concrètement ? Une communauté où l’on est au service les uns des autres, vraiment ? Une Église où l’on prie vraiment ensemble ? Une famille spirituelle où l’on se nourrit mutuellement, on s’exhorte, on prend soin les uns les autres, corps, âme et esprit ? Quels sont nos points à améliorer ?

Pour terminer, l’auteur ne nous dit pas simplement ce qu’il faut faire, il nous rappelle le sens de nos actions en nous disant : toutes ces choses, nous les faisons pour la gloire de Dieu. 

Toutes ces actions :  aimer, servir, exercer l’hospitalité, prendre soin les uns des autres, partager ses biens etc. n’est pas l’apanage des chrétiens. De très belles personnes le font pour de très belles raisons humanistes. Les communistes le prêchent aussi. Qu’est-ce qui fait la différence ? L’apôtre Pierre nous le dit clairement dans ce passage : notre amour et nos actions prennent leur source en Christ, dans la prière, nous accomplissons ces tâches avec la force que Dieu nous donne – et pas à la force du poignet – et elles ont pour objectif d’honorer Dieu, de Lui rendre gloire. Dieu est la source, le carburant et la destination finale. 

Toute œuvre chrétienne commence dans la grâce et s’achève dans la gloire de Dieu. Autrement dit : la grâce nous pousse à agir, à servir, à aimer, à prier, tout cela pour que la gloire de Dieu qui donne un sens à notre vie rayonne autour de nous.

Nous sommes acteurs de notre vie, de notre monde, de notre Eglise. Et Dieu compte sur nous. Alors si vous êtes comme moi allergique aux ordres, considérez ces commandements comme un panneau de direction, au lieu d’un « toutes directions » qui ne nous indique pas réellement où nous allons, il y a marqué « apaisement, prière, accueil, service et en gras amour ». Et si cette route vous semble impossible ou interminable, gardez au cœur la parole d’envoi que l’apôtre Pierre adresse aux destinataires de son message : « Déchargez-vous sur Dieu de toutes vos inquiétudes, car il prend soin de vous. »

Amen

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