Il suffit de regarder quelques journaux télévisés pour se rendre compte que le mal, la violence, la méchanceté, le mensonge, la perversion, la cruauté et tout ce qui est du registre du sordide sont largement répandues sur toute la terre. Beaucoup de gens se demandent pourquoi, si Dieu existe, le mal est-il si présent dans les sociétés humaines ? Pour les athées, la généralisation du mal constitue la preuve évidente que Dieu n’existe pas.
Pour les chrétiens aussi, le mal pose problème : Pourquoi Dieu permet-il aux hommes de faire le mal ? Y mettra-t-il fin un jour ? Pourquoi Dieu a-t-il permis la Shoah, où six millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été exterminés, simplement parce qu’ils étaient Juifs ?
Mais ce qui paraît inconcevable, c’est lorsque le mal, le péché, le mensonge et les hérésies sont présents aussi dans l’église, l’église qui est la manifestation du royaume des cieux sur la terre ? Comment certaines églises ont-elles pu soutenir et soutiennent encore des dictateurs cruels et sanguinaires ? Comment expliquer que tant de gens qui font partie de « l’église » rejettent le fait que la Bible est vraiment la parole de Dieu, puisqu’ils épousent ouvertement des positions et des pratiques contraires à la volonté révélée de Dieu ? Comment des responsables d’église chargés d’enseigner le peuple de Dieu peuvent-ils affirmer que Satan n’existe pas, que le mal est simplement un concept ? Sur quoi se fondent-ils pour dire que Jésus n’est pas de nature divine ? Qu’il n’est pas corporellement ressuscité le matin de Pâques ? Que les guérisons divines et les miracles n’ont jamais existé ou n’existent plus ? Qui leur permet de pervertir, de contredire ce que la Parole de Dieu affirme ?
C’est pour répondre à ce genre de questionnements, que Jésus raconte la parabole du bon grain et de l’ivraie. Il ne le fait pas pour informer les chrétiens du mal qui est répandu dans le monde. Ça, les chrétiens le savent ! Par cette parabole, Jésus veut les encourager, et leur permettre de comprendre que tous ces obstacles ne pourront jamais retarder l’avance de l’Évangile. Le plan de rédemption de Dieu pour un monde perdu est en place depuis le commencement des temps, et rien ne pourra l’arrêter. Rien ne pourra s’opposer au triomphe final de la Vérité.
Le scénario de cette parabole est simple : Un homme ensemence son champ avec du bon grain (du blé, v. 29). Mais cet homme a un ennemi qui vient, de nuit, semer de la mauvaise herbe (l’ivraie : zizanie en grec) pour ruiner et détruire le travail et la récolte du premier homme.
Lorsque les serviteurs s’aperçoivent du mauvais coup qu’on a fait à leur maître, ils lui proposent d’arracher tout de suite cette mauvaise herbe. Mais le maître refuse cette solution, de peur qu’en arrachant l’ivraie, ils arrachent aussi le blé. Ce n’est qu’au moment de la moisson que les deux plantes seront séparées. L’ivraie pour être brulée, le blé pour être mis dans un grenier.
Heureusement pour nous, les disciples n’ont pas compris le sens spirituel de cette histoire banale. Ils demandent donc à Jésus de leur expliquer ce que ce récit signifie. Cela va nous être utile.
La bonne semence, c’est Jésus qui la sème ; elle représente ceux qui acceptent que Dieu règne sur eux. Ils se sont repentis, ils ont cru au Seigneur Jésus, ils ont été sauvés par grâce par le moyen de la foi (Eph 2,8). Ce sont les élus de Dieu, ceux qu’Il sauve de leurs péchés. Ils sont les rachetés du Seigneur.
La mauvaise herbe (l’ivraie) c’est le Malin qui la sème, sans se faire remarquer, la nuit. Elle représente ceux qui, rejetant Jésus, sont, sans en être conscient, sous l’influence du diable.
Les gens qui ont une vague idée de ce qu’est la foi ont du mal à comprendre qu’il n’y ait pas de terrain neutre. Soit on est dans le camp du maître de la moisson, soit on est dans le camp de son ennemi. Jésus l’affirme clairement : « Personne ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre » (Mt 6,24). Paul dit la même chose autrement : « Quelle communion y-a-t-il entre la lumière ou les ténèbres ? » (2 Co 6,14). Et encore : « Autrefois, vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur » (Eph 5,8). Ceux qui pensent qu’il existe une zone intermédiaire, une zone de « pénombre », entre les ténèbres et la lumière, devraient prendre rapidement conscience qu’ils sont en danger de confondre le vrai avec le faux.
Dans cette parabole, Jésus nous montre quelle est la destinée ultime des perdus et des élus. Il connaît le cœur des individus, et il nous décrit la lutte qui oppose la lumière et les ténèbres dans l’histoire humaine. Tout comme Dieu est engagé dans une œuvre de salut des pêcheurs en ce monde, Satan s’active à se saisir des hommes pour lui-même et à les garder dans la perdition pour l’éternité.
Concrètement, cela signifie que là où le Royaume des cieux est le plus actif, c’est-à-dire là où le Seigneur change des vies et sauve des hommes, le malin fait tout pour ruiner les projets de Dieu. Écoutons ce que dit Pierre : « Veillez ! Votre adversaire le diable, rôde comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer ; résistez-lui, fermes en la foi » (1 P 5,8). Écoutons aussi ce que dit Jésus : « Il s’élèvera de faux christ et de faux prophètes, ils opéreront de grands signes et des prodiges au point de séduire si possible même les élus » (Mt 24,24).
Les ténèbres qui résistent au témoignage de la lumière de Jésus-Christ ne doivent pas décourager et frustrer les disciples de Christ. Cela doit au contraire les encourager et les stimuler pour qu’ils persévèrent dans leur voie. Nous voyons la réalité de ce paradoxe dans ce que nous rapporte l’association Portes Ouvertes. Même si dans ce cas précis il est question de persécutions et non pas de perversions de la foi, on constate que dans les innombrables pays où les chrétiens sont sévèrement persécutés, le nombre de chrétiens ne diminue pas ; au contraire, il augmente. C’est avec les yeux de la foi que le chrétien peut voir dans l’ivraie un signe avant-coureur de la victoire finale de la lumière sur les ténèbres.
Le « champ » Au v. 38, Jésus explique que le « champ » représente le « monde ». Jésus entend-il par là la totalité de notre planète ? Il est probable que non. Car les disciples et les foules auxquels il s’adressait savaient bien que le mal était répandu partout, et nous le savons aussi.
Le « monde », dans cette parabole, c’est le lieu où le Seigneur sème pour la construction de son Royaume, c’est-à-dire partout ou l’Évangile est proclamé. Et partout où l’Évangile est proclamé, partout où le Royaume de Dieu se développe, le malin essaie de l’infiltrer avec ses propres gens. Il cherche sans cesse à opérer à l’intérieur de la sphère du Royaume de Dieu.
Partout où Christ est prêché, partout où la vérité de Dieu est proclamée, des hérésies cherchent à attirer les hommes loin du Seigneur : L’apôtre Jean confirme ceci : « Dans le monde sont entrés plusieurs séducteurs, qui ne confessent pas Jésus-Christ venu dans la chair. Voilà le séducteur et l’antichrist » (2 Jn 1,7). C’est pour cela que l’église visible, c’est à dire l’église sur terre (par opposition à l’église invisible) comporte de l’ivraie en son sein, qui s’oppose ouvertement à l’enseignement de la Parole tel que l’Écriture la présente.
Les croyants s’interrogent et se demandent pourquoi ceux qui se disent « chrétiens » ne ressemblent-ils pas tous à la description biblique du vrai disciple de Christ ? Pourquoi de faux docteurs enseignent-ils des vérités qui contredisent la vérité biblique ? Pourquoi la religion est-elle si souvent confondue avec la foi ? Pourquoi la superstition fait-elle concurrence à la foi ?
Cette parabole devraient apaiser les craintes. Pourquoi ? Parce que Jésus place l’œuvre du diable dans sa vraie perspective. Elle exhorte les chrétiens authentiques à ne pas perdre courage, même quand les églises spirituellement mortes ou moribondes, pleines de faux docteurs et de chrétiens hypocrites, couvrent le monde. Dieu appelle ces chrétiens authentiques à soutenir la Vérité telle qu’elle se trouve en Jésus et à mener le bon combat de la foi (1Tm 6,12). Dieu les assure qu’Il veille Lui-même à ce que sa lumière ne s’éteigne pas, en dépit de tous les efforts de l’ennemi.
En effet, quelle que soit la densité de l’ivraie dans le champ, le champ appartient au Seigneur , et il en prend soin ! Le chrétien ne doit jamais permettre aux voix conflictuelles et confuses qui jaillissent de tous côtés de l’enfermer dans la pensée qu’il mène une lutte désespérée.
Satan voudrait nous faire perdre espoir et nous entendre nous lamenter : Je ne sais plus que croire ! Peu importe ce qu’on croit ; nous prions tous le même Dieu ; toutes les religions se valent. La vérité est relative !
Ne nous laissons pas désarçonner ! Non ! la vérité n’est pas relative : Elle est en Christ ! ( Jn 14,6).
Depuis toujours, Satan essaie d’étendre sa zone d’influence sur les sociétés et sur les hommes. À bien des égards, on peut dire qu’il y est arrivé. Mais en fin de compte, il échouera et sera vaincu. Écoutons ce qu’écrit l’apôtre Paul : « Dieu a mis en action sapuissance dans le Christ, en le ressuscitant d’entre les morts et en le faisant asseoir à sa droite dans les lieux célestes, au-dessus de toute principauté, autorité, puissance, souveraineté, au-dessus de tout nom qui peut se nommer, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir. Il a tout mis sous ses pieds et l’a donné pour chef suprême à l’église qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous. » (Eph 1,19-23).
Voilà la certitude du croyant. Elle est fondée sur l’œuvre de Christ. Pas sur ce que pensent et disent les hommes !
Pourquoi laisser pousser la bonne semence et la mauvaise herbe jusqu’à la moisson ? Essentiellement pour deux raisons.
La première, c’est que « la présence de l’ivraie pousse l’église authentique à clarifier et préciser sa doctrine et son témoignage. Les vrais chrétiens parviennent mieux à mettre en œuvre leur salut dans le contexte d’une opposition active, qu’en l’absence d’un tel adversaire. Quand l’ivraie enseigne, proclame et vit sa rébellion contre le Seigneur, le peuple de Dieu voit les choses plus clairement. Il forme son témoignage avec plus de soin et s’adonne avec d’autant plus de zèle à l’œuvre de l’Évangile dans un monde qu’il voit en train de périr par manque d’un Sauveur. »
La seconde raison, c’est que Dieu ne demande pas aux chrétiens d’exécuter ses jugements. Nous n’avons pas la capacité de sonder le cœur des hommes, et Dieu ne nous envoie pas pour purger la terre des antichrists, des faux docteurs et des hypocrites. Ce n’est pas la mission des chrétiens.
En effet, Dieu a ses propres moissonneurs que sont les anges : Le v. 40 est précis : « Comme on arrache la mauvais herbe et qu’on la ramasse pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin du monde : Le Fils de l’homme enverra ses anges et ils élimineront de son Royaume tous ceux qui incitent d’autres à pécher et tous ceux qui contreviennent à l’ordre de Dieu ».
Dans l’évangile de Matthieu, juste avant sa passion, Jésus a longuement parlé du jugement sur les nations, lorsqu’il reviendra dans sa gloire. Le texte nous dit qu’il séparera les brebis d’avec les boucs ; les unes pour le Royaume ; les autres pour le feu éternel « préparé pour le diable et pour ses anges » (Mt 25, 33-34 ; 41).
Dans cette dernière citation, Jésus ne fait que reprendre et confirmer ce qu’il a annoncé dans la parabole du bon grain et de l’ivraie. La moisson interviendra un jour, à la fin du monde, lorsque Jésus viendra dans la gloire pour établir son Royaume. Ce sera le temps des comptes et du jugement de Dieu. Ce ne sera plus le temps de la repentance. Pour se repentir, les hommes ont toute la durée leur vie pour le faire, mais pas plus.
On voit l’insistance que l’auteur de l’épitre aux Hébreux accore à la repentance lorsqu’il écrit 3 fois en quelques versets : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs » (Heb 3,7 ; 3,15 ; 4,7). De même, la première exhortation de Jésus dans l’évangile de Matthieu est un appel à la repentance : « Repentez-vous, car le Royaume des cieux est proche » (Mt 4,17). Ne restons pas sourd à cet appel.
Les dernières paroles de cette parabole nous appelle à fixer notre regard sur le dessein de grâce, et à vivre dans la perspective de la gloire qui sera révélée à la fin du monde : « Alors, ceux qui sont attachés à Dieu resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père ».
Voilà ce qui attend les élus de Dieu.