Deutéronome 8,1-20
Le texte que nous venons de lire nous montre la merveilleuse pédagogie de Dieu pour attirer les hommes sur le chemin de la confiance en Lui, et les détourner de l’orgueil qui est profondément ancré dans leur coeur (le MOI au centre). Dieu n’a qu’un but pour ses créatures : Leur permettre d’entrer dans une relation de confiance profonde avec Lui (Dieu au centre).
Ce texte écrit il y a si longtemps nous concerne tous, aujourd’hui encore : En nous appelant à lui faire confiance, Dieu veut nous combler de grâces et nous communiquer sa vie, à travers Christ.
Pour comprendre la pédagogie et l’amour de Dieu dans ce texte, il faut se remémorer la raison pour laquelle le peuple d’Israël a erré pendant 40 ans dans le désert. Souvenez-vous : Dès sa sortie d’Égypte, c’est-à-dire sa sortie de 4 siècles d’esclavage imposé par les Égyptiens, Dieu voulait que son peuple retrouve la liberté, et prenne rapidement possession de son héritage, la Terre Promise.
Mais le peuple n’a pas fait confiance à Dieu. Il a eu peur d’entrer dans le pays, en entendant le rapport des 12 hommes envoyés par Moïse, sur ordre de Dieu, pour recueillir des informations sur la terre qu’il voulait leur donner. (Nombres 13). En effet, dans leur rapport, ces hommes racontèrent que le pays était magnifique, un pays découlant de lait et de miel, mais qu’ils y avaient aussi trouvé des villes fortifiées et des populations de géants (Nb 13,28).
Ce peuple qui avait pourtant été témoin de la puissance de Dieu (les 10 plaies d’Égypte, le passage à pied sec de la Mer des Joncs…) a pris peur et n’a pas voulu affronter ce qui lui paraissait insurmontable. Quelle est la cause de cette peur ? Tout simplement le fait qu’ils ne comptaient que sur leurs propres forces ! Compter sur soi, c’était comme « annuler » les promesses que Dieu leur avait faites de leur donner le pays de Canaan ( Nb 13,2). Ils ont mis en doute le fait que Dieu accomplirait son plan. Ils sont allés jusqu’à dire : « Pourquoi l’Eternel nous fait-il entrer dans ce pays, pour tomber par l’épée ? … Donnons-nous un chef et retournons en Egypte » (Nombres 14.1-4).
Comprenons bien : Dieu leur offrait la liberté et un héritage magnifique ! Mais ils regrettaient l’esclavage ! Comment est-ce possible ?
Devant ce manque de foi, ce manque de confiance, Dieu a décidé que cette génération incrédule n’entrerait pas dans la Terre Promise. Sauf les 2 hommes qui avaient toujours eu confiance en Lui : Caleb et Josué. Tous les autres sont morts dans le désert, et se sont privés de connaître le pays d’abondance que Dieu voulait leur donner.
Ils ont payé cher leur manque de confiance : Une marche harassante dans un désert brûlant pendant 20 ans, 30 ans, et même 40 ans pour certains ! Alors que le magnifique cadeau que Dieu voulait leur faire était à portée de main. Ils pouvaient tout de suite entrer dans le projet de Dieu pour eux !
Cela ne nous rappelle-t-il pas une attitude que nous avons pu avoir ? Combien de fois, et pendant combien de temps avons-nous préféré l’esclavage, l’esclavage sous toutes ses formes : le péché de chair, la haine, la rancune, le non-pardon, la jalousie, la peur, l’inquiétude, la colère… Oui, combien de fois avons-nous toléré ces attitudes mortifères, au lieu de nous approprier la liberté que Dieu voulait nous offrir : la joie, la paix, la confiance, la reconnaissance, la foi confiante… ?
Lorsque Moïse prononce les paroles de notre texte, toute la génération incrédule est morte. Il s’adresse donc à la génération née dans le désert. Il lui rappelle les 40 années passées dans le désert, où, malgré les épreuves, Dieu était bien présent et conduisait son peuple : « Tu te souviendras de tout le chemin que l’Éternel, ton Dieu, t’a fait faire pendant ces 40 années dans le désert, afin de t’humilier et de t’éprouver, pour reconnaître ce qu’il y avait dans ton cœur et si tu observerais ses commandements, oui ou non ».
Nous avons ici une réponse à la question lancinante : Pourquoi Dieu permet-il les épreuves dans la vie d’un homme ou d’un peuple ? Dieu permet cela pour révéler à l’homme ce qu’il a dans son coeur. L’épreuve que Dieu permet n’est pas une punition qui manifeste une méchanceté, une cruauté systématique et gratuite. Elle est permise pour essayer de remettre l’homme sur le bon chemin, c’est-à-dire sur le chemin de la confiance en Lui.
J’ouvre une parenthèse pour parler de la traduction du verbe « humilier » employé dans la traduction Segond. En français, humilier signifie : rabaisser quelqu’un en le faisant apparaître comme inférieur, méprisable (Dictionnaire Larousse). Cette traduction est très mal venue, car Dieu n’agit jamais ainsi. La traduction du rabbinat et celle de la TOB disent respectivement : afin de t’éprouver par l’adversité / afin de t’éprouver par la pauvreté. Ces traductions sont plus conformes au contexte biblique. En effet, si Dieu éprouve les hommes, ce n’est jamais pour les abaisser ou pour les détruire. C’est pour les raisons que j’ai mentionné plus haut : les amener sur le chemin de la confiance en Lui.
Ce qui prouve la justesse de ces traductions, c’est ce que le texte nous montre : L’épreuve imposée par Dieu est immédiatement suivie d’une bénédiction : v. 3 : « Il t’a appauvri, il t’a fait souffrir de la faim et il t’a nourri de la manne que tu ne connaissais pas. »… Même chose au v. 13 : « Il t’a fait manger dans le désert la manne que tes pères ne connaissaient pas, afin de t’appauvrir et de t’éprouver, pour te faire ensuite du bien ». On voit bien qu’il n’est pas question d’humiliation, mais d’épreuve pour révéler à l’homme ce qu’il a dans le coeur. Je ferme la parenthèse.
Revenons à la pédagogie de Dieu. Au v 3, nous lisons : « Il t’a fait souffrir de la faim et il t’a nourri de la manne…afin de t’apprendre que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche de l’Éternel »
Ce verset et ceux qui précèdent doivent être lus en relation étroite avec le v 5 : « Reconnais en ton cœur que l’Éternel, ton Dieu, t’éduque comme un homme éduque son fils ». Rejetons donc toute idée de dureté et de cruauté, dans l’épreuve, pour ne voir que la tendresse d’un père qui veut que son fils retrouve le bonheur d’une relation de confiance avec lui.
De quoi Dieu se sert-il ici pour éduquer son peuple ? Du besoin vital commun à tous les hommes : La nécessité de manger. Et il fait un parallèle entre ce besoin physique vital et un autre besoin qu’il présente comme étant tout aussi vital : Je répète ce que dit Dieu : L’homme ne vit pas de pain seulement, mais de tout ce qui sort de la bouche de l’Eternel.
Aujourd’hui, dans nos pays riches, lorsqu’on a faim, on ouvre le réfrigérateur et on se sert. Une grande majorité d’européens n’imaginent même pas que la nourriture puisse manquer. Et lorsqu’on prononce la demande du Notre Père : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour », la certitude qu’il y aura quelque chose dans notre assiette à l’heure du repas, vient plus du fait que les magasins sont bien approvisionnés et que nous avons l’argent pour acheter de quoi manger, plutôt que l’exaucement de notre prière.
Je ne nie pas que nous disons sincèrement merci à Dieu avant de commencer notre repas. Mais la nourriture qui est sur la table était déjà dans le réfrigérateur ! Rien de comparable avec ce qu’a vécu le peuple d’Israël dans le désert !
Pendant les 40 années d’errance, ce besoin vital de nourriture n’était dispensé que par Dieu. C’est Lui qui donnait, chaque jour, une ration suffisante de manne pour vivre (Ex 16,4). Ce que les hommes voulaient garder en réserve pour le lendemain, pour assurer leurs arrières, pourrissait (Ex 16,19), sauf pendant le sabbat où Dieu donnait une ration double, puisqu’il avait demandé aux hommes de ne pas en ramasser ce jour-là.
Ainsi, pendant 40 ans, le peuple s’est trouvé dans la même situation qu’un SDF qui n’a pas 10 centimes devant lui. Il ne pourra manger que si des gens veulent bien lui donne un peu d’argent lorsqu’il tend la main dans les rues ou aux portes des supermarchés.
S’il existe des SDF chrétiens, la demande qu’ils font à Dieu : « Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien », est une prière qui n’est sans doute pas faite à la légère, comme nous pouvons la faire souvent.
Quel message Dieu voulait-il faire passer au peuple qui allait prendre possession de la promesse ? Que veut-il nous dire à nous aujourd’hui ?
Dieu veut faire comprendre à tous les hommes que le besoin vital pour eux, c’est beaucoup plus que la nourriture pour le corps. La nourriture pour l’âme et l’esprit est tout aussi indispensable pour l’homme. Et c’est Dieu qui la donne aussi, par le biais de la méditation de l’Écriture, la persévérance dans la prière, la communion avec l’Esprit Saint.
Tous les hommes sont-ils convaincus de cela ? Hélas, non !
Tous les chrétiens sont-ils convaincus de cela ? ? Ils devraient l’être !
Dans ce texte, Dieu qui connaît le cœur de l’homme nous montre les pièges dans lesquels il ne voudrait pas que nous tombions. Écoutons attentivement : L’Éternel va te faire entrer dans un bon pays…Lorsque tu mangeras et te rassasieras, lorsque tu bâtiras et habiteras de belles maisons, lorsque ton gros et ton menu bétail se multiplieront, que l’argent et l’or se multiplieront pour toi et que tout ce qui est à toi se multipliera, prends garde de peur que ton coeur ne s’élève et que tu oublies l’Eternel, ton Dieu (v. 7 ; 12 ; 14).
Prenons au sérieux ce que Dieu nous dit ici. Nous voyons bien qu’il ne condamne pas, en soi, le confort ou la richesse. Mais si l’on n’est pas sur ses gardes, le confort, la richesse, l’aisance, l’abondance peuvent reléguer au second plan le besoin vital de relation avec Dieu, parce que le besoin matériel est assouvi.
Notre société de consommation qui engendre le matérialisme est un piège redoutable pour nous détourner d’une vraie relation avec Dieu. C’est un piège tellement subtile qu’il nous faut le secours de l’Esprit pour ne pas y tomber.
À l’inverse, la pauvreté peut faire tomber dans le même piège : « Ne me donne ni pauvreté ni richesse, accorde-moi le pain qui m’est nécessaire, de peur qu’étant rassasié, je ne te renie, et ne dise : Qui est l’Eternel ? Ou qu’étant dans la pauvreté, je ne commette un vol et ne porte atteinte au nom de mon Dieu » (Proverbes 30.8-9).
Le tentateur savait ce qu’il faisait lorsqu’il a dit à Jésus qui n’avait pas mangé depuis 40 jours : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent du pain ». La tentation était subtile car le besoin de manger était sans doute très fort pour Jésus. Mais il savait aussi qu’il y avait un besoin encore plus vital pour Lui : Rester en communion avec son Père. Alors, Jésus a cité les Écritures (Dt 8,3b) : « Il est écrit : L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4.4).
Si pour Jésus, la communion avec son Père était vitale, à combien plus forte raison la confiance et la communion avec Dieu sont vitales, pour nous aussi. Elles nous sont offertes, gratuitement : « Moi, je suis le pain de vie, dit Jésus. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6,35).