Ps 23 ; Lc 12, 13-34
Ceux qui veulent regarder le programme du soir, sur la première chaine de télévision, doivent d’abord patienter devant le résultat du tirage d’une loterie où l’on peut gagner un million d’Euros, chaque jour. Le présentateur parle de ce gain potentiel comme une chance qui va complètement changer la vie de celui qui aura choisi les 6 bons numéros.
De plus, quand il n’y a pas de gagnant un jour, la somme augmente d’un million d’Euros le lendemain. Il y a quelques jours, c’est 16 millions d’Euros qu’un joueur a empochés ! De quoi envisager l’avenir avec sérénité ! C’est du moins ce que les présentateurs laissent entendre. C’est aussi ce que pensent profondément des millions de téléspectateurs. Si c’était eux les gagnants, ils rêveraient déjà à la prochaine grande maison, avec piscine, qu’ils se feraient construire, avec deux grosses voitures dans le garage. Ils rêveraient aux voyages qu’ils pourraient faire aux quatre coins de la planète, sur des plages paradisiaques, et dans des hôtels 5 étoiles. Et ils rêveraient de bien d’autres choses encore ! Bref, même avec un seul million d’euros, ce serait le bonheur assuré ! Et ils pourraient se dire : Je ne manquerai de rien.
C’est bien ce que pensait l’homme riche de la parabole que nous avons lue. Remarquez qu’il est déjà riche, que ses greniers sont déjà pleins. Mais comme il a fait d’excellentes récoltes, il ne sait plus où engranger cette richesse supplémentaire. Il rêve aux greniers immenses qu’il va pouvoir faire construire, où toute sa fortune sera à l’abri. Aveuglé par sa cupidité, il s’adresse à lui-même des louanges, il baigne dans la félicité : « Mon âme, tu as beaucoup de bien en réserve pour plusieurs années ; repose-toi, mange, bois et réjouis-toi » (v. 19). Il ne sait pas que cette richesse-là, il n’en profitera pas : « Insensé ! Cette nuit-même, ton âme te sera redemandée ; et ce que tu as préparé, à qui sera-t-il ? » (Lc 12,20)
Ne jugeons pas trop sévèrement l’attitude de cet homme, ni celle de nos contemporains qui rêvent de gagner le gros lot ! Interrogeons-nous : Ne connaissons pas aussi, nous chrétiens, la satisfaction que procure le fait d’avoir un compte en banque qui permette d’envisager l’avenir avec sérénité, quant à la possibilité de se loger, de se chauffer, de manger à sa faim, de payer les charges inhérentes à notre vie en société, de pourvoir à l’éducation des enfants …etc ? Et je ne parle pas d’avoir des millions en banque ! Non ! Simplement de pouvoir faire face aux dépenses indispensables. Est-ce que la satisfaction dont je parle ne revient pas à dire nous aussi, dans le secret de notre cœur : Je ne manquerai de rien ?
C’est une réaction parfaitement humaine. Mais le Seigneur veut nous faire prendre conscience de cet attachement secret aux biens matériels. Nous refusons souvent de l’admettre et de le reconnaître. C’est un obstacle dans notre relation avec Christ.
Dans Col 3,5, Paul parle de la cupidité comme étant une idolâtrie. Et il la place sur le même plan que l’inconduite, l’impureté, les passions et les mauvais désirs.
Même lorsqu’on a un train de vie modeste, reconnaître humblement devant Dieu son attachement aux biens matériels serait salutaire pour que Dieu nous délivre de cet attachement. Pour qu’il libère nos pensées et notre cœur de cet attachement secret et inavoué. Et qu’il le transforme en profonde reconnaissance pour la grâce qu’il nous fait de ne pas avoir un réfrigérateur vide, une maison glaciale en hiver faute de pouvoir la chauffer, et de ne pas avoir à faire la queue devant les Restos du Cœur pour manger à sa faim.
Frères et sœurs, je sais que cette reconnaissance existe bel et bien. Mais je crois que le Seigneur veut plus : Il veut que nous soyons totalement détachés des biens matériels, et exclusivement orientés vers les biens spirituels que Dieu nous prodigue. Il veut que nous accordions à ces cadeaux spirituels la valeur inestimable qu’il leur a donnée pour que notre vie soit riche d’une richesse inaltérable, et que nous puissions jouir du « trésor inépuisable ( qu’il nous réserve) dans les cieux, là où il n’y a pas de voleur qui approche, ni de mite qui détruise » (Luc 12,33).
Qu’est-ce qui me permet d’affirmer : « Je crois que le Seigneur veut plus » ? Tout simplement le v. 22 : « Ne vous inquiétez de rien pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous serez vêtus ». Lorsque Jésus parle ici de « nourriture » et de « vêtement » , cela englobe la totalité de ce qui constitue la vie matérielle, la vie de tous les jours. Mais ce n’est pas ce qui importe pour Lui. Dans les versets 22 et 23, le texte grec ne parle pas de « zoè », c’est-à-dire, la vie ordinaire ; il parle de « psuchè », c’est-à-dire l’âme. C’est comme si Jésus disait : « Ne vous inquiétez pas pour la santé de votre âme de ce que vous mangerez… Car votre âme est plus importante que la nourriture ».
Bien sûr, quand on a la foi, on sait que Jésus a raison. Mais ceux qui ne croient en rien ne peuvent pas comprendre ce que dit Jésus, car leurs préoccupations matérialistes et ce qui en découle sont prioritaires pour eux. Jésus l’exprime clairement : « Ne cherchez pas ce que vous mangerez, ni ce que vous boirez, et ne vous tourmentez pas. Car tout cela, ce sont les païens du monde qui le recherchent» (v. 29-30).
Est-ce que pour autant, Jésus est en train de dire à ceux qui croient : « Contentez-vous de vivre d’amour et d’eau fraîche » ? NON ! Jésus connaît les exigences d’un corps physique, puisqu’il en a eu un, quand il était sur terre. Il sait que les hommes ont besoin de se nourrir, de s’habiller et de se protéger des intempéries. Non seulement il le sait, mais il le dit : « Votre Père sait que vous en avez besoin ».
Mais tout de suite après, il nous indique la voie à suivre, assortie d’une promesse ; « Cherchez plutôt son Royaume (c’est-à-dire : préoccupez-vous plutôt du Royaume de Dieu) ; et cela vous sera donné par surcroît » (v. 31).
Est-il possible, sur terre, d’être totalement détaché des biens terrestres et de rechercher d’abord le Royaume de Dieu ? Oui, c’est possible. Voici deux exemples qui nous le montrent.
Le premier est un exemple contemporain. Il s’agit de Maria Vache dont vous trouverez le récit de sa vie sur le site de l’église : (Message / Prédication / L’intimité avec Dieu au travers de la souffrance).
Le pasteur qui lui rendait visite, sur son lit de souffrances, après une promenade dans une nature radieuse lui témoignait de la sympathie. Il regrettait qu’elle ne puisse pas marcher dans la campagne et remplir ses yeux et son âme de tant de merveilles. (Depuis l’âge de 2 ans, Maria ne pouvait pratiquement plus sortir de chez elle à cause d’une infirmité sévère).
Elle protesta de toute sa force : « Moi ! Mais je suis une enfant gâtée de Dieu, Monsieur le pasteur ! Ma vie n’a été qu’une bénédiction, de mon berceau jusqu’à aujourd’hui. Je ne puis qu’entonner un chant de reconnaissance pour tous ses bienfaits. Que me faut-il ? Que me manque-t-il ? De quoi suis-je privée ? Chaque jour, je loue Dieu pour sa bonté à mon endroit. Pas un instant elle ne m’a fait défaut… De la lumière ? De la lumière ? Mais j’en ai vue à flots tout au long de mon existence : en mon âme, dans mon cœur, dans mon esprit, sur la route où j’avance ; dans mes douleurs ; dans ma solitude. La nuit, quand je soufre, la lumière que je vois est plus belle que celle qui dore les peupliers. Les attentions de mon Dieu pour moi-même sont infinies ».
Ce témoignage véridique est poignant. Et il nous prouve que les bénédictions spirituelles promises à tout homme sont infiniment plus belles et grandes que tout l’or du monde.
Le second exemple est celui de l’apôtre Paul. C’était un homme vieilli et usé qui avait beaucoup souffert au service de Jésus. Du fond de sa prison, il écrivait aux Philippiens : « J’ai appris à me contenter de l’état où je me trouve » (Ph 4,11). C’est parce qu’il connaissait intimement Jésus qu’il pouvait écrite : « Pour moi, Christ est ma vie, et mourir m’est un gain…. J’ai le désir de m’en aller et d’être avec Christ, ce qui est de beaucoup le meilleur » (Ph 1,21 et 23).
C’est ce même Paul qui écrivait aux Corinthiens : « Que ceux qui achètent ne se cramponnent pas à leurs possessions, qu’ils ne les considèrent pas comme leur propriété : qui sait pour combien de temps elles leur appartiennent » (1 Co 7,30).
Paul ne s’est pas contenté d’exhorter : il a vécu ce qu’il enseignait.
Avant d’aborder les promesses de bénédictions du Ps 23, il est important de mettre en garde les croyants qui pensent pouvoir concilier l’attachement aux biens matériels, et l’attachements aux biens spirituels. C’est une tentation qui nous guette tous.
Ce que dit Jésus à ce propos ne souffre pas d’ambiguïté : « Nul ne peut servir deux maîtres ; car, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l’argent » (Mt 6024).
Dans notre texte, avec d’autres mots, Jésus désigne le même danger : « Car là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur » (Lc 12,34).
Il n’y a pas besoin de longues explications pour comprendre que Jésus dit la vérité. Quand il y a un combat dans notre cœur, à ce sujet, n’essayons pas de le dissimuler à Dieu. On ne peut rien lui cacher ! Au contraire, ouvrons-lui tout grand notre cœur, et demandons-lui avec foi et persévérance, de nous en délivrer. Il le fera, parce que c’est de richesses spirituelles qu’il veut nous combler.
Je veux terminer ce message avec les paroles du Ps 23 que de nombreux chrétiens connaissent par cœur. Le premier verset : « L’Éternel est mon berger : Je ne manquerai de rien », est une promesse magnifique ! Mais que veut dire le psalmiste quand il parle de ne manquer de RIEN ?
Je crois qu’il ne parle que de biens et de bénédictions spirituels, même lorsqu’il emploie des mots qui désignent des choses concrètes, comme « les verts pâturages », les eaux paisibles », « la table dressée en face des adversaires ». En effet, en face de chaque verset de ce Psaume, on peut citer des promesses et des bénédictions spirituelles de l’Écriture ou prononcées par Jésus :
À propos du repos du v. 2 : « Venez à moi, vous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos… Et vous trouverez du repos pour vos âmes » (Mt 11,28-29).
À propos des pâturages et des eaux paisibles : « Moi, je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif » (Jn 6,35). « Quiconque boira de l’eau que je lui donnerai, n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source qui jaillira jusque dans la vie éternelle » (Jn 4,14).
À propos des sentiers de la justice : « Vous donc, frères, sachez-le bien : Par Lui, le pardon des péchés vous est annoncé, et en Lui, quiconque croit est justifié » (Act 13,38-39).
À propos de la vallée de l’ombre de la mort : « L’ange de l’Éternel campe autour de ceux qui le craigne, et il les délivre » (Ps 34,8).
À propos de la table dressée en face des adversaires v. 5 : « Vous serez haïs de tous à cause de mon nom, mais il ne se perdra pas un cheveu de votre tête » (Lc 21,18).
À propos de l’huile répandue sur la tête v. 5 : « Tu aimes la justice et tu détestes la méchanceté : C’est pourquoi ton Dieu t’a oint d’une huile de joie » (Ps 45,8).
Quant au dernier verset, « Le bonheur et la grâce m’accompagneront tous les jours de ma vie », il résume tout ce que dit le Psaume et il donne son plein sens à la promesse de ne manquer de rien.
La Française des Jeux et Jésus nous assurent tous deux que nous ne manquerons de rien. Il y a un piège bien dissimulé dans lequel beaucoup d’hommes sont tombés, sans en être conscients. N’oublions pas ce qu’a dit Jésus : « Là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur ».