• le 27 octobre 2024

CRIER À JÉSUS

Matthias helmlinger

C’est rare que l’évangile nous donne les noms des malades que Jésus a guéris. Ici, on nous donne son nom : Bartimée. Les exégètes pensent que Bartimée était connu des premières communautés chrétiennes ; c’est pourquoi on mentionne son nom dans l’évangile. Il y a tellement de détails dans cette guérison qui font penser à un témoignage pris sur le vif, de la bouche même de celui qui était connu comme s’appelant Bartimée. Après sa guérison, il a suivi Jésus sur le chemin. Quel chemin ? Le chemin de Jéricho à Jérusalem. Une journée de marche, 1000 mètres de dénivelé. Le lendemain, Bartimée est avec la foule qui accueille avec un enthousiasme triomphal Jésus entrant à Jérusalem juché sur un ânon. Il a crié avec tous les autres : « Hoshannah ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Béni soit le règne qui vient, le règne de David notre père ! Hoshannah au plus haut des cieux » Mc 11.10. La guérison de Bartimée a contribué à cet accueil festif de Jésus à Jérusalem, accueil politiquement incorrect, car le règne de David, ça veut dire la fin des règnes de toutes les puissances étrangères qui dominent Israël. C’est probablement pour cela que Bartimée se fait rabrouer quand il a crié à Jéricho : « Fils de David, Jésus aie pitié de moi ! ». Jamais encore dans l’évangile de Marc, on n’avait appelé Jésus « fils de David ». Cette fois-ci Jésus se lâche : il accepte qu’on l’appelle ainsi. Ce sont les foules qui ont peur. Pas lui. Lui, Il va vers la croix. Il va à Jérusalem. Il va mourir et ressusciter. Ni les autorités juives, ni les autorités romaines n’auront apprécié que Jésus se soit laissé appeler « fils de David ». Bartimée a ouvert une brèche dans ce silence tabou concernant le fait que Jésus est le Messie, fils de David. Encore aujourd’hui, plusieurs fois chaque jour, les Juifs prient pour que le Seigneur Dieu envoie le Messie fils de David. Globalement, les Juifs ne l’ont pas reconnu, quand il est venu, sauf quelques-uns, dont Bartimée. Arrivé à Jérusalem par le mont des Oliviers, d’où on voit toute la ville, Jésus a pleuré sur elle. Il dit pourquoi il pleure : « si toi aussi, tu avais su en ce jour, comment trouver la paix… ! Mais hélas ! Cela a été caché à tes yeux ! » Luc 19.42. Les prophètes, et particulièrement le prophète Esaïe, qui a tellement parlé du Serviteur du Seigneur souffrant pour les péchés de son peuple, ces prophètes avaient annoncé l’aveuglement de leur propre peuple. Je vous cite quelques versets parmi bien d’autres : « Moi, l’Éternel, je t’ai appelé pour le salut, … je t’établirai … pour ouvrir les yeux des aveugles…Je ferai marcher les aveugles sur un chemin qu’ils ne connaissent pas, Je les conduirai par des sentiers qu’ils ignorent ; Je changerai devant eux les ténèbres en lumière… sourds, écoutez ! Aveugles, regardez et voyez ! Qui est aveugle, sinon mon serviteur, Et sourd comme mon messager que j’envoie ? Qui est aveugle, comme l’ami de Dieu, aveugle comme le serviteur de l’Éternel ? Tu as vu beaucoup de choses, mais tu n’y as point pris garde… » (extraits d’Es 42). Comme dit, je pourrais vous citer une liste très longue de versets des prophètes qui parlent de l’aveuglement d’Israël et de la promesse que le Seigneur leur ouvrira les yeux. Dans les évangiles, de fait, Jésus guérit beaucoup d’aveugles. Jusqu’au dernier moment, dans le temple, on le trouve en train de guérir des aveugles : « des aveugles… s’avancèrent vers lui dans le temple, et il les guérit » Mt 21.14. L’évangile de Jean nous raconte longuement comment Jésus donne la vue à un aveugle de naissance. Bartimée demande à Jésus de retrouver la vue. L’aveugle dont il est question dans Jean chapitre 9 n’a jamais eu la vue ; il est né aveugle, ce qui est encore différent. Jésus a fait acte de création pour qu’il puisse voir. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : une nouvelle création. Pour que nous puissions voir Jésus, une nouvelle création doit avoir lieu. Des millions de livres ont été écrits sur Jésus. Mais seuls ceux qui ont crié vers lui comme Bartimée peuvent nous parler de Jésus. Ils ont crié vers Jésus, parce qu’ils ne voyaient pas, ne comprenaient pas qui est Jésus. Oui, ce sont ceux qui ont crié vers Jésus qui peuvent réellement nous parler de Jésus : le Fils de Dieu est  venu sur terre comme un homme, réellement né de David, et en allant mourir et ressusciter à Jérusalem il nous a créés à nouveau. C’est Jésus qui nous permet de le voir, Lui le Dieu qui a dit jadis que nul être humain ne peut le voir sans mourir. 

La première fois que Jésus parle dans l’évangile de Jean, c’est pour dire à deux disciples de Jean qui se sont mis à le suivre : « venez et voyez ! ». Les deux disciples voulaient voir où demeure Jésus et Jésus leur a dit de venir voir. Ils ont vu. Ils ont reçu les yeux pour voir que Jésus demeure dans le Père. Et qu’il nous y fait demeurer avec lui. 

Je vous ai dit au début de cette prédication que les exégètes pensent que nous avons dans notre récit un authentique fait vécu. Un indice, c’est que le récit ne se termine pas comme d’habitude, avec la foule qui exprime son émerveillement après la guérison. Cet émerveillement sera exprimé le lendemain, à l’entrée de Jésus à Jérusalem, comme je vous l’ai dit. Un autre indice, c’est qu’il n’y a aucun geste de Jésus pour guérir. La guérison se fait sur cette simple parole de Jésus à Bartimée : « pars, ta foi t’a sauvé ». 

Quelle est la foi exprimée par Bartimée ? La seule chose que nous dit le texte, c’est qu’il a crié vers Jésus et il a continué à crier, alors même qu’on lui avait ordonné de se taire. Il a crié vers Jésus. C’est cela, sa foi. Il a crié, même quand on lui disait de se taire. Vous pouvez vous imaginer combien il voulait cette guérison. Il a mis toute son existence dans ce cri. Un aveugle, c’est quelqu’un qui est dépendant des autres. Bartimée n’a pas écouté la voix intérieure qui lui disait de ne pas décevoir les personnes qui lui intimaient de se taire. Pourtant il dépend de leurs aumônes ! D’habitude, il cherchait à être bien soumis aux passants, puisque sa subsistance dépendait de leur bon vouloir. Mais il n’a pas écouté l’ordre de se taire. Il a continué à crier « fils de David, prends pitié de moi ! ». C’est cela que Jésus appelle sa foi. C’est cela qui l’a sauvé. C’est à cause de ce cri insistant que Jésus s’est arrêté. Jésus avait pourtant un timing à respecter. Il ne faut pas perdre trop de temps, quand on monte de Jéricho à Jérusalem. Il faut arriver avant la tombée de la nuit. Les routes ne sont pas sûres. Mais Jésus s’est arrêté, il s’est arrêté sur ce chemin où il sera fait Roi des Juifs, Fils de David réellement, et ce sera sur une croix. Jésus s’est arrêté. C’est rare qu’on nous dise dans l’évangile que Jésus s’arrête. Il s’est arrêté sur le chemin de la destinée que lui a montrée le Père. Ce chemin c’est le chemin du service pour l’humanité toute entière, pour la faire sortir des ténèbres et l’amener à voir la lumière de Dieu, la lumière de la vie.  Oui, notre cri peut faire que Jésus s’arrête. Il prendra le temps de nous écouter, de savoir ce que nous voulons. Quand on arrive au bout de nous-mêmes, au bout de toute solution humainement envisageable, et qu’on se met à prier, à prier vraiment, à crier vers Dieu, alors Jésus s’arrête. Le pasteur Jean Valette, qui a écrit sur ce texte, dit que l’humanité ressemble à des naufragés accrochés à quelques planches du bateau. L’humanité continue à discuter de la meilleure stratégie pour continuer la navigation. Alors que ce n’est plus le moment de discuter, c’est le moment de crier, d’appeler Dieu au secours. Quand on crie vers lui, Jésus s’arrête. Il arrive toujours, ce moment, quand on crie vraiment vers lui : il s’arrête, il parle avec nous. Il nous donne de Le voir.

« Jésus s’arrêta et dit : – appelez-le » Marc 10.49

Jésus, Fils de David, moi, nous, croyants ou incroyants, nous T’avons arrêté. 

Ou plutôt, Tu t’es arrêté auprès de nous.

Un clou dans chaque main et un clou dans les deux pieds : 

Jésus, toi le Fils de David, nous T’avons bel et bien arrêté. 

Ou plutôt, Tu t’es arrêté auprès de nous.

Tu m’appelles, et tu me dis d’appeler les autres.

Je peux et veux Te suivre 

car, bien que Tu te sois arrêté sur la croix, puis dans la tombe, 

Tu continues aujourd’hui ton chemin, un chemin nouveau, 

Puisque Tu es auprès du Père, nous justifiant tous, 

nous donnant des yeux pour Te voir.

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