Alain NADAL
Remarque : Contrairement aux autres dimanches, le message n’a pas été enregistré. Désolé !
Le message de ce matin comporte deux parties distinctes, avec un point commun : Le Sabbat. La première partie est une réflexion sur le choix que Dieu à fait de mettre à part le jour du Sabbat. La seconde partie portera sur le sens du Sabbat.
Le court passage que je vais lire dans la Genèse, se situe après que l’auteur ait décrit tout ce que Dieu a créé, depuis le commencement jusqu’au 6e jour. Souvenons-nous que l’homme et la femme qui ont été créés en dernier.
Lecture de Gn 1,31-2,3.
On a souvent fait remarqué qu’après chaque acte de création (la lumière, les astres, les espèces animales…) le texte dit : « Dieu vit que cela était bon ». Mais après la création de l’homme et de la femme, le texte précise : « Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait, et voici : c’était très bon ».
Deux versets plus loin (Gn 2, 2), la version Louis Second traduit : « Dieu se reposa au 7e jour de toute l’œuvre qu’il avait faite ».
Le texte hébreu ne parle pas de repos. En effet, Dieu ne se fatigue pas, comme peut le faire un homme. Le texte hébreu dit : « Dieu arrêta son œuvre ». Et ce verbe « arrêter » a donné le mot « Sabbat ». On pourrait dire : Dieu fit sabbat par rapport à son œuvre.
Les théologiens se sont demandé pourquoi Dieu avait cessé de créer après le 6e jour. Toutes les réponses ne sont pas identiques. Je retiendrai seulement le sens que Jacques Ellul donne à cette cessation de création : « L’œuvre de création s’achève, dit-il, quand Dieu place dans cet univers l’être minuscule qu’est l’homme, mais qui est capable de ce que le reste de la création est incapable : L’amour. À ce moment, la Création est en effet achevée. Puisque l’amour de Dieu ne tombera pas dans le vide et le silence, Dieu peut cesser de créer » (Ce que je crois, Grasset, Paris 1987, p. 204).
Je voudrais maintenant attirer l’attention sur deux verbes du v. 3 : bénir et sanctifier. « Dieu bénit le 7e jour et le sanctifia, car en ce jour, Dieu s’était reposé (avait fait sabbat) de toute l’œuvre qu’il avait créée ».
« Bénir », cela veut dire : « Dire du bien de… ». Dieu dit du bien de ce 7e jour. Il le déclare bon.
Cela ne veut pas dire que les autres jours n’étaient pas bons. Cela signifie que Dieu accorde à ce jour-là un caractère spécialement positif.
« Sanctifier », cela veut dire : « mis à part ». Dieu sépare ce 7e jour des autres jours, et il le consacre. Calvin a écrit : « Dieu a béni ce jour de repos afin qu’il fût sanctifié (mis à part) à tout jamais ».
Avons-nous pris conscience de l’importance que Dieu accorde au sabbat ? Est-ce que la bénédiction et de la sanctification que Dieu accorde au 7e jour nous parle encore aujourd’hui ? Si oui, comment se manifeste-t-elle ?
Dans notre société, pour l’écrasante majorité de nos concitoyens, tous les jours ont la même valeur, contrairement à ce que Dieu a voulu et établi. Et pour nous, chrétiens, qu’en est-il ?
Dès le début de l’Église les premiers chrétiens d’origine juive (les judéo-chrétiens) et ceux d’origine païenne (les pagano-chrétiens) observaient le sabbat ensemble dans les synagogues avec leurs frères juifs. Et pour célébrer la résurrection de Jésus, dont les femmes avaient découvert le tombeau vide « de grand matin » « le premier jour de la semaine », ils prolongeaient le Sabbat par une prière particulière, après le coucher du soleil le samedi, heure qui marquait la fin du sabbat et le commencement du dimanche.
Ces premiers chrétiens, presque exclusivement Juifs au début, n’avaient pas du tout la volonté de rompre avec le sabbat Juif. On le voit dans de nombreux passages des Actes de apôtres (3,1 ; 5,19 ; 9,20 ; 13,5 ; 13 14 ; 13 44 ; 14,1). Mais progressivement, des tensions sont apparues entre Juifs et Judéo-chrétiens. Plus tard, au IVe siècle, lorsque l’État est devenu « chrétien » avec l’empereur Constantin — un syncrétiste adepte du dieu-soleil et attiré par le culte de Mythra, qui s’est fait baptiser sur son lit de mort — la rupture a été consommée volontairement, lorsque le 7 mars 321, l’État a imposé le dimanche comme jour de repos et de culte, et s’est mis à compter les jours de minuit à minuit, s’opposant ainsi aux Juifs qui comptent les jours du coucher du soleil jusqu’au coucher du soleil suivant.
Nos frères Adventistes, dès la création de ce mouvement chrétien en 1863, aux États-Unis, ne se sont pas alignés sur l’ensemble de la chrétienté, puisqu’ils célèbrent leurs cultes le samedi, comme les Juifs, pour rester fidèle au 4e commandement de Dieu. Et on estime qu’une vingtaine d’Églises chrétiennes dans le monde sont fidèles au Sabbat, ce qui représente environ 10 millions de pratiquants.
En célébrant les cultes le dimanche, les églises chrétiennes dans leur ensemble ne se sont-elles pas privées de la bénédiction de Dieu sur le Sabbat ?
Je pose sérieusement la question. En effet, nulle part dans la Bible on peut lire que les Dix Commandements ont été abrogés. Le commandement sur le Sabbat, qui est au centre du Décalogue, et qui est le plus long et le plus détaillés de tous, gardera comme les 9 autres, toute sa valeur jusqu’à la fin des temps. La séparation des Juifs et des chrétiens, avec toutes les horreurs que cela a entrainées, n’a pas été la volonté de Dieu, mais bien celle des hommes qui ont voulu s’affranchir de leurs attaches judaïques. Une autre preuve de la volonté de s’affranchir du judaïsme est la fixation du jour de Pâque qui se célébrait le 14 du mois de Nisan. Le concile de Nicée, en 325, a décidé que Pâques se célébrerait désormais le dimanche après la Pâque juive.
« L’Église chrétienne dans son ensemble ayant donné son aval à l’adoption du dimanche, à la place du sabbat institué par Dieu, ne semble pas s’être rendue compte qu’elle agissait ainsi au mépris des mises en garde formelles de l’Écriture : « Ne vous mettez pas avec les infidèles sous un joug étranger. Car quel rapport y a-t-il entre la justice et l’iniquité, ou qu’y a-t-il de commun entre la lumière et les ténèbres ? (2 Co 6,14) (Paul Nouan, Un jour à part, p. 82).
J’en viens maintenant à la seconde partie du message, où il est aussi question de Sabbat : Lecture de Mc 2,23-3,6.
Il est facile d’imaginer la scène familière que ce texte nous décrit : Jésus et ses disciples marchent le long d’un champ de blé. Comme ils ont faim, (le texte parallèle de Mt 12.1 le précise) les disciples arrachent quelques épis qu’ils froissent dans leurs mains, et ils en mangent les grains.
Quoi de plus normal pour un homme de faire ce geste pour calmer une fringale ? Cela semble tellement naturel, qu’on ne devrait même pas le remarquer. Eh bien, ce n’est pas naturel pour les Pharisiens qui assistent à cette scène, car ceci se passe un jour de sabbat. Or, selon la tradition, arracher des épis dans un champ était considéré comme moissonner, donc travailler. Et dans la loi que Dieu a donnée à Moïse, il est interdit de travailler le jour du sabbat. Les Pharisiens font donc une leçon de morale à Jésus : Vois, pourquoi font-ils ce qui n’est pas permis un jour de sabbat ? (v 24). Remarquez au passage que les Pharisiens ne s’en prennent pas aux « coupables » mais à leur Maître. On sent qu’ils ont un compte à régler avec Jésus !
Dans cette affaire, les Pharisiens se sentent les gardiens de la Loi que Dieu a donnée aux hommes, et semblent plus respectueux de la Loi que Jésus lui-même, qui ne trouve rien à redire à ce que font ses disciples. Jésus serait-il laxiste par rapport à la Loi de Dieu ? N’accorde-t-il pas de valeur à cette loi divine sur le sabbat ?
Pour aborder ce problème qui divise gravement Jésus et les Pharisiens (les autorités religieuses), au point qu’ils veulent faire mourir Jésus (3.6), regardons le texte de cette Loi :
Tu travailleras 6 jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le 7e jour est le sabbat de l’Éternel, ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l’étranger qui réside chez toi. Car en 6 jours l’Éternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s’y trouve et il s’est reposé le 7e jour : c’est pourquoi l’Éternel a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié (Ex 20.9-10). (Remarquez que le texte de l’Exode reprend les 2 mêmes verbes de Genèse : Bénir et Sanctifier)
Qu’est-ce qui est important dans ce commandement ? Ce n’est pas l’interdiction ! C’est l’idée de repos de bénédiction et de sanctification.
Le repos et la bénédiction : N’oublions pas qu’à l’époque où Dieu a donné ce commandement, les congés payés n’existaient pas ; pas de pont de l’Ascension, pas de RTT ! Les hommes et les femmes travaillaient tous les jours, sans exception. Le sabbat est donc un merveilleux cadeau que Dieu fait aux hommes, un jour de liberté où l’homme pourra se reposer. Et comme on l’a vu, c’est un cadeau que Dieu fait à tous les hommes, esclaves ou hommes libres, Juifs ou non, et même aux animaux de trait. Dieu a décrété le sabbat pour le repos de l’homme et des bêtes de somme. Mais aussi pour qu’il soit au bénéfice de sa bénédiction : c’est pourquoi l’Eternel a béni le jour du sabbat…
La sanctification : Dieu a sanctifié ce jour, c’est-à-dire, l’a mis à part, pour que dans cette liberté qui lui est offerte, pendant l’interruption de son travail, l’homme puisse trouver du temps pour honorer Dieu, son Créateur. Dans ce sens, le sabbat est aussi un signe d’alliance que Dieu fait avec son peuple. Bref, le sabbat est la manifestation de l’amour et de la grâce de Dieu. Dieu a tout fait pour le bien et le bonheur de l’homme, en lui octroyant du repos et en lui permettant de s’approcher de Lui à travers un culte et la prière.
Cette volonté de Dieu d’offrir à l’homme repos, liberté et communion avec Lui, les Pharisiens (les soi-disant gardiens de la Loi) en ont fait une loi oppressive. Au fil des ans, ils avaient ajoutés des articles nouveaux à la Loi sur le sabbat, au point que les Juifs devaient tenir compte de plus de 200 interdictions liées au sabbat : Comme l’a écrit Jean Valette avec beaucoup d’humour : Rien de plus fatigant que le jour du repos !
Là où Dieu voulait donner un peu liberté à l’homme par rapport au travail, le religieux dit : Ce n’est pas permis ! Interdit de cueillir des grains lorsqu’on a faim ; de guérir quelqu’un, de marcher plus de 3 km, de faire du feu, d’appuyer sur un bouton d’ascenseur pour rentrer chez soi, etc…. si c’est un sabbat.
Quand l’intention de Dieu était delibérer l’homme par la loi, les religieux ont fait de la loi une prison pour l’homme. Lorsque Dieu place l’homme au centre quand il édicte une loi, les religieux placent la loi au centre, comme si la loi n’avait d’autre but qu’elle-même.
C’est ce que Jésus veut faire comprendre aux Pharisiens de notre texte lorsqu’il dit : le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat (v. 27). J’ai envie d’ajouter : « Le Sabbat a été fait pour le bonheur de l’homme… »
Ni dans ses paroles ni dans ses pratiques, Jésus n’a jamais contesté la Loi par principe. Ce qu’il veut, c’est que les religieux recentrent la Loi sur sa mission originelle voulue par Dieu. Qu’elle est-elle cette mission ? Faire accéder l’homme au vrai bonheur fondé sur une relation étroite avec Dieu. Cette relation voulue par Dieu passe aussi par le repos.
La loi a une fonction de libération de l’homme et, de ce fait, une fonction de révélation de l’intention de Dieu. Par un glissement tragique, la Loi en est venue à diriger les regards de l’homme non pas vers Celui dont elle devait témoigner, mais vers elle-même. Par un extraordinaire abus d’autorité, les Pharisiens ont transformé une loi qui avait pour but de libérer l’homme, en une liste d’interdits contraires à l’intention de Dieu, et qui enferment les hommes et les rendent esclaves de lois humaines qui transforment la foi en religion. Karl Barth avait bien raison de dire que la religion est le contraire de la foi.
Si Dieu demande à l’homme d’observer le sabbat, ce n’est pas parce qu’il a le devoir de le faire ; c’est parce que l’homme abesoin de goûter le repos et la paix que Dieu lui accorde ce jour-là. Dieu n’est pas un juge uniquement occupé à faire respecter la Loi. C’est un Père aimant qui à travers la Loi veut procurer aux hommes la liberté.
Comment comprendre la seconde partie du v 28 : Le sabbat a été fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat, de sorte que le Fils de l’homme est maître même du sabbat?
Dieu a tout soumis à Jésus, comme nous le disent plusieurs passages de l’Écriture (He 2.8 ; Mt 28.18 ; Eph 1.22). Cette soumission n’implique pas ici une idée de contrainte. Mais plutôt de seigneurie. Parce qu’il est Dieu incarné, Jésus connaît parfaitement l’esprit de cette loi divine. Et c’est la raison pour laquelle il n’hésite pas à guérir les malades et faire du bien le jour du sabbat. En agissant ainsi, il était au cœur du sens profond du sabbat, car il mettait l’homme au centre, en le libérant de la maladie, des démons, des infirmités, etc.
La liberté de Jésus devant la Loi est très dérangeante pour les Pharisiens, car ils n’ont rien compris : ils ont confisqué la grâce qu’elle manifeste. Jésus veut libérer cette grâce de la gangue légaliste dans laquelle les religieux l’ont enfermée et qui en a fait une chose oppressive.
C’est dans ce but qu’il multiplie les situations qui les choquent en espérant qu’ils finiront par comprendre. Mais il n’y a rien de pire que quelqu’un qui ne veut pas entendre. Les Pharisiens de notre texte sont dans ce cas, puisque le texte nous dit qu’ils cherchèrent tous les moyens pour faire mourir Jésus (3.6).
Pour résumer, on pourrait dire la chose suivante :
Voilà comment les Pharisiens voient le sabbat : Il est interdit de faire quelque travail que ce soi.
Voilà comment Jésus voudrait que les hommes vivent le sabbat : Merci, Seigneur, pour cette liberté et ce repos que dans ta grâce, tu m’accordes. Ce merveilleux commandement me montre tout l’amour que tu as pour moi et pour les hommes. Et je veux t’honorer.
Que le Seigneur nous délivre définitivement de l’idée que les Lois divines sont des empêcheuses de tourner en rond. C’est hélas ce que la religion a fait de la Loi. C’est ce qu’un esprit religieux fait encore de nos jours.
Qu’au contraire, nous puissions voir la Loi comme l’expression de l’amour d’un Père qui aime ses enfants et qui veut leur procurer joie, liberté et communion avec Lui.