Gal 5.16-22
Mt 7.15-23
En juillet 2006, à l’occasion d’une convention chrétienne, j’ai entendu le témoignage de Georges Dabbo, pasteur d’une église arménienne à Montréal, qui racontait le terrible accident dont il avait été victime. Il prenait quelque chose dans le coffre de sa voiture lorsqu’une autre voiture l’a percuté par derrière. Il s’est retrouvé sous sa voiture, les genoux repliés sur lui, dans un espace de 30 cm de hauteur ! Il nous a raconté comment Dieu l’a rétabli en guérissant miraculeusement les fractures, hémorragies, lésions diverses pour lesquelles on devait l’opérer : il est entré 4 fois dans le bloc opératoire et 4 fois il en est sorti avant qu’on l’opère, car les choses s’étaient rétablies ! Comme il dit lui-même : Dieu était passé avant.
Ce témoignage est à la fois étonnant et merveilleux. Il nous montre que rien n’est impossible à Dieu (Luc 1,37). Souvenez-vous : c’est ce que l’ange a dit à Marie qui n’avait pas eu de relation avec Joseph, et à sa cousine Élisabeth, déjà âgée et stérile, et qui pourtant vont chacune mettre un enfant au monde : Jésus et Jean-Baptiste.
Mais ce n’est pas cette intervention spectaculaire de Dieu qui a retenu mon attention. Ce qui m’a frappé, c’est ce que ce pasteur miraculé a dit en terminant son témoignage : « A un moment donné de notre vie, il faut que l’empreinte et le caractère de Jésus soit inscrit en nous. Ce n’est pas ce qu’on fait qui a de la valeur aux yeux de Dieu ; c’est l’attitude de cœur que nous avons. La question fondamentale est la suivante : Que devenons-nous dans le Seigneur ? ».
« Ce n’est pas ce qu’on fait qui a de la valeur aux yeux de Dieu ».
Cette affirmation est dérangeante. En effet, de nombreux passages de la Bible nous disent que la foi véritable se traduit toujours par des œuvres. Voici le plus connu de ces passages : Comme le corps sans esprit est mort, de même la foi sans les œuvres est morte (Jc 2.26).
Je n’ai pas l’intention de remettre en cause cette vérité biblique. Je veux seulement mettre l’accent sur le sens du mot œuvre dans le NT.
Nous avons tous tendance à limiter le sens de ce mot. Une œuvre, pensons-nous, c’est ce qu’on fait, c’est une action concrète: Visiter les malades, les personnes seules, s’occuper des pauvres, participer à la vie matérielle ou financière de l’Eglise, accepter des responsabilités, prêcher, préparer la liturgie, prier, faire le ménage du temple, préparer la sainte-Cène, s’occuper de la technique, mettre à jour le site de l’église, entretenir le terrain autour du temple, préparer les repas communautaires, exercer l’hospitalité, etc… etc…
Ce sens, faire, est bien présent dans le NT : « … nous avons été créés en Christ-Jésus pour des œuvres bonnes que Dieu a préparé d’avance afin que nous les pratiquions »(Eph 2.10). Mais il y a un autre sens que l’on oublie presque toujours et qui pourtant est plus important encore : C’est l’attitude de cœur. C’est-à-dire, ce que nous sommes devant le Seigneur, dans notre relation avec Lui ; de quoi est faite et comment se passe notre relation de tous les instants avec Lui.
L’expression « attitude de cœur » n’est pas employée dans le NT, mais le NT en parle souvent. Dans Gal 5.22, Paul nous décrit des attitudes de cœur lorsqu’il parle du fruit de l’Esprit : l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi. Toutes ces vertus traduisent une attitude de cœur.
Dans le passage qui précède, Gal 5.19, Paul parle aussi d’une autre catégorie d’attitudes de cœur : l’inconduite, l’impureté, la débauche… La liste comprend 12 autres termes dans le registre du péché. Or, il en parle comme étant des œuvres (de la chair).
Ainsi, dans le NT, les mots fruit et œuvre ne désignent pas uniquement ce que nous appelons des actes concrets ; ils désignent aussi ce que nous sommes dans le Seigneur ; c’est-à-dire de quoi est faite notre relation avec Lui.
C’est en étant conscient de ce sens si souvent ignoré que l’on peut comprendre ce que dit Jésus à ceux qui ont prophétisé, chassé des démons et fait beaucoup de miracles, et qui pourtant s’entendent dire : Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité (Mt 7.23).
Nous avons tous tendance à penser que quelqu’un qui prophétise, chasse des démons et fait des miracles est parfaitement dans le plan de Dieu, agréé par Dieu. Et pourtant, ce n’est pas ce que dit Jésus dans ce texte.
Cette condamnation très surprenante ne doit pas nous faire penser que ces hommes mentent, qu’ils ont prétenduprophétiser, chasser des démons et faire des miracles. Ils ont réellement fait ce qu’ils ont dit. Mais aux yeux de Dieu, les œuvres de justice et d’amour (Mt 5.20 ; 46-48), c’est-à-dire l’attitude d’un cœur aimant est plus importante que l’exercice des charismes.
Quelle est la leçon à tirer ?
Écoutons ce que dit Jésus à des responsables religieux : « Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites ! Parce que vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et que vous laissez ce qu’il y a de plus important dans la loi : le droit, la miséricorde et la fidélité ; c’est là ce qu’il fallait pratiquer sans laisser de côté le reste » (Mt 23,23).
Jésus nous montre que, dans toutes les situations, la droiture et l’amour doivent toujours précéder l’action.
L’apôtre Paul a aussi montré l’importance de l’attitude de cœur au début du chapitre 13 de la première épître aux Corinthiens : Quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert de rien.
L’AT aussi accorde la première place à l’attitude de cœur, à ce que l’hommeest et non pas d’abord à ce qu’il fait : Les sacrifices agréables à Dieu, c’est un esprit brisé (Ps 51.19). Le sacrifice des méchants est en horreur à l’Eternel (Pr 15.8).
Pourquoi l’attitude de cœur est-elle plus importante que l’action ?
Parce qu’on peut « travailler pour Dieu » en étant prisonnier du péché ; on peut le faire sans être converti, par orgueil, par désir de reconnaissance, pour être honoré par les hommes, pour mériter son salut, et pour beaucoup d’autres motifs encore.
Mais Dieu n’a que faire de ces œuvres qui sont l’expression d’un esprit religieux dénoncé par Jésus ! Ce que Dieu veut, c’est notre conversion, notre cœur, notre être tout entier, notre vie tout entière ; car il veut nous délivrer du pouvoir des ténèbres et nous transporter dans le royaume de son Fils bien-aimé, en qui nous avons la rédemption, le pardon des péchés (Col 1.13-14).
L’action par elle-même ne peut pas façonner notre attitude de cœur, c’est-à-dire une attitude qui honore le Seigneur, qui le mette à la première place. Seules la conversion, la nouvelle naissance et la sanctification peuvent faire cela !
Sans la conversion et ce qu’elle engendre, l’action devient rapidement un but en soi. Elle a sa logique, ses ambitions et peut devenir une religion dans laquelle Dieu, Christ et le Saint-Esprit sont peut-être mentionnés, par réflexe religieux ; mais en réalité marginalisés. Car ce ne sont pas eux qui dirigent l’action, mais l’esprit de l’homme et ses projets.
Il est très courant, pour des chrétiens et des églises de tomber dans cette religion du faire. En effet, il est beaucoup plus facile d’entreprendre des projets, ambitieux ou modestes, que de se mettre à genoux pour adorer Dieu et chercher sa volonté. Souvenons-nous des lettres aux 7 églises, dans l’Apocalypse, et du leitmotiv « Je connais tes œuvres » qui revient dans 5 de ces lettres.
Écoutons ce qui est dit à l’Église de Sardes : Je connais tes œuvres : tu as le renom d’être vivant, mais tu es mort. Sois vigilant et affermis le reste qui allait mourir, car je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites devant mon Dieu (Ap 3.1-2).
Il est beaucoup plus valorisant pour notre ego de « travailler pour Dieu », que de laisser le Seigneur nous façonner pour que le caractère du Christ soit inscrit en nous, par la consécration, l’obéissance, la prière persévérante.
Si nous voulons que l’Église serve la gloire de Dieu, il est indispensable que les membres et les responsables de communautés retrouvent l’ordre des priorités : Il est urgent de cesser de donner la priorité au FAIRE et d’apprendre à ÊTRE ce que le Seigneur veut que nous soyons.
Il n’y a aucun risque qu’un chrétien ou une église qui se laissent conduire par l’Esprit cessent de faire. Car l’Esprit-Saint n’a jamais laissé quelqu’un inactif.
Alors, faites dans cet esprit, nos œuvres, que Dieu a préparées d’avance (Eph 2.10), seront accomplies dans la volonté de Dieu, conduites par l’Esprit, et porteront des fruits pour la seule gloire de Dieu.