• le 19 janvier 2025

LE SIGNE DE CANA

Matthias HELMLINGER

Jean 2, 1- 11

Dieu donne une épouse à son Fils. Une épouse avait été donnée à Adam par Dieu. Il l’avait construite à partir de sa propre chair, de la chair d’Adam. C’était une prophétie de ce qui allait se passer avec le Christ : Dieu prendrait de la chair et du sang du Christ pour faire une épouse à son Fils. L’eau et le sang ont coulé du côté percé de Jésus, quand il est mort sur la croix. Jésus n’est donc pas au ciel seul. Il a une Epouse qui lui a été associée. Elle lui ressemble en tout point, chair de sa chair.

Quand nous considérons qui nous sommes et qui est Jésus, cette affirmation peut nous étonner au plus haut point : nous sommes semblables à Jésus, chair de sa chair. L’apôtre Paul nous dit qu’il s’agit là d’un grand mystère, celui de Christ et de son Epouse Ephésiens 5.32. L’apôtre Jean nous dit que nous serons semblables à Lui, quand nous Le verrons tel qu’il est I Jean 3.2,  c’est quelque chose qui nous étonne au plus haut point, mais il ne faut pas écarter cette espérance, car l’apôtre Jean ajoute : « quiconque fonde sur Lui une telle espérance se rend pur comme lui est pur ». C’est un grand mystère, une espérance, qui nous est annoncée à Cana, dans le prototype de tous les signes que fera Jésus : il donne du vin à un mariage où il n’y en avait plus.

Pourquoi n’y en avait-il plus ? A l’époque, un mariage durait plusieurs jours. Le vin était épuisé. Mais il y a un sens plus profond : depuis des siècles, il y a mariage entre Dieu et son peuple, Israël. Il y a une alliance. Il y a la foi d’Israël. La fidélité de Dieu. Mais la fidélité d’Israël a connu des hauts et des bas. Plus de bas que de hauts. Et voilà pourquoi le vin est épuisé. La fidélité dans l’alliance n’a pas été à la hauteur de ce que Dieu désirait. La foi n’est plus ce qu’elle était, ni la joie qui va avec. Il n’y a plus de vin. C’est là qu’intervient le signe de l’eau changée en vin.

Que dire de nous aujourd’hui ? Que dire de notre époque, ici en France ? C’est terrifiant de constater qu’il n’y a plus de foi, plus de joie. Je sens en moi ce vide, ce terrible vide de l’absence de foi chez nos contemporains. Je sais que j’en suis capable, moi aussi. Parce qu’il y a un combat de la foi. Le grand apôtre de la foi, Paul, n’a-t-il pas dit, arrivé au bout de sa vie : « j’ai gardé la foi » ? II Timothée 4.17. S’il l’a gardée, c’est qu’il pouvait lui aussi la perdre. La foi est toujours un miracle. Dans notre texte, on voit que c’est Jésus qui la donne à ses disciples à Cana : « Jésus manifesta sa gloire et ses disciples crurent en Lui ».

Qui peut produire la foi en Israël ? Seulement le roi d’Israël. C’est justement le titre que Nathanaël vient de donner à Jésus, trois jours avant Cana Jean 1.49. Jésus est le Roi d’Israël qui va donner la foi à tout Israël. Parce qu’il ne veut pas qu’il soit dit que l’alliance de Dieu avec Israël est un échec. Il ne veut pas qu’il soit dit qu’il n’y a plus de vin. Qu’il n’y a pas de joie dans ce mariage. La joie existe dans le Dieu d’Israël. Et elle crée ses propres moyens d’existence sur terre, comme l’a dit Fabrice Hadjadj.

J’ai dit que la foi a connu des hauts et des bas en Israël. Mais même lorsqu’il y a plus. Des personnes de foi. Qui prient. Qui se remémorent les hauts faits de Dieu, ses paroles, ses actes. Ses promesses. Ses miracles créationnels. Ces personnes de foi en Israël, ces personnes qui prient sont incarnées ici par la mère de Jésus. « Ils n’ont pas de vin ». Prière exprimant la détresse. On est au bout. On est à bout. Il n’y a plus de joie possible. On n’est même plus sûrs que Dieu nous aime. Ou alors, ça paraît tellement lointain, puisque c’est la mort partout autour de nous. « Fort comme la mort est Amour », dit la bien-aimée qui voit arriver son Seigneur amoureux, dans Cantique des cantiques 8.5. Fort comme la mort est Amour : voilà ce qui est dit à Israël. L’ Amour de son Dieu, plus fort que la mort, fort, même dans la mort. Jésus étant identifié par Nathanaël comme le roi d’Israël ne pouvait venir vers Israël qu’avec ce message : Fort comme la mort est Amour. Sa mère le sait. C’est pourquoi elle prie : « ils n’ont pas de vin ». Elle ne veut pas la honte pour les mariés qui n’ont pas su prévoir suffisamment pour leurs invités.  Elle ne veut pas que le Dieu d’Israël se couvre de honte : quoi ? Ce Dieu fait alliance avec Israël, et il n’a pas le pouvoir de garder l’alliance vivante ? Il n’a pas le pouvoir de rendre ce mariage joyeux ? Il épouse un peuple et il est incapable de lui donner des enfants ? Le ciel restera vide ? La mère de Jésus est sûre que le roi d’Israël ne laissera pas de tels propos se propager. Jésus avait dit à Nathanaël qu’il verra le ciel ouvert, désormais, au-dessus du Fils de l’homme. Nous avons donc cette prière qui précède toutes nos prières : « ils n’ont plus de vin ». La prière de la mère de Jésus. Notre prière s’y enracine.

Dans le dialogue que nous établissons alors avec Jésus, la réponse qu’il a faite à sa mère a de quoi nous surprendre : « femme, qu’y a-t-il entre toi et moi ? Mon heure n’est pas encore venue ». Comment comprendre cette parole choquante ?  Jésus prendrait-il de la distance avec nous, quand nous prions ? C’est le sentiment que nous avons parfois. Mais le SENTI MENT. Ce que nous ressentons comme éloignement de la part de Jésus est toujours un rapprochement. Plus Jésus s’éloigne vers son Père, plus il se rapproche de nous. Il parle de son Heure comme d’une élévation, dans l’évangile de Jean. L’élévation au Père par la croix. L’élévation opère par la croix. Son Père est le Dieu qui était, qui est et qui vient. Et Jésus, c’est tout pareil. 

L’heure de la mort de Jésus – cette heure dont Jésus parle à sa mère – l’heure de la mort de Jésus sera aussi l’heure où il établit sa mère dans sa destinée éternelle : mère de tous les croyants. La « Jérusalem d’En Haut est… notre mère » dit l’apôtre Paul Galates 4.26. Celui qui est mort et ressuscité à Jérusalem garantit cette maternité pour l’éternité. Elle est destinée à tous, aux Juifs comme aux Nations. En effet, quand Jean-Baptiste, qui se dit l’ami de l’Epoux Jean 3.29, ajoute qu’il n’est pas digne de délier la courroie des sandales de l’Epoux, nous sommes renvoyés à ce qui s’est passé pour le mariage de Ruth, la Moabite, qui ne faisait pas partie d’Israël, mais qui a été intégrée à Israël. Originaire de Moab, une nation férocement hostile à Israël, elle entre dans la destinée d’Israël. Le plus proche parent de sa belle-mère avait enlevé publiquement sa sandale. Elle deviendra ainsi l’ancêtre du Messie. Vous voyez que par plusieurs de ses paroles, Jean-Baptiste se sait témoin d’un mariage, quand il baptise Jésus. Dieu choisit l’Epouse pour son Fils, qu’elle soit issue d’Israël ou de toute autre Nation.

La mère de Jésus devait avoir un lien de famille avec les mariés de Cana. Sinon, pourquoi donne-t-elle des ordres aux serviteurs de la maison ? « Faites tout ce qu’il vous dira ». Jésus n’avait encore fait aucun miracle, il était inconnu comme Messie. Il n’aurait pas pu ordonner à ces serviteurs « remplissez d’eau ces vases », sans que sa mère n’ait parlé d’abord à ces serviteurs. Et les serviteurs obtempèrent à cet ordre si absurde. Car on n’avait pas besoin d’eau, mais de vin. Alors pourquoi Jésus donne-t-il un ordre absurde ? Parce qu’il veut montrer qu’il entre dans les rituels de purification des Juifs pour les transformer de l’intérieur. L’obéissance juive aux commandements, quand Jésus s’y met, transforme l’eau en vin. Oui, il y a encore des Juifs qui obéissent aux commandements de Dieu. Heureusement ! Car de la Loi jaillit la Grâce. Jésus, le roi d’Israël, s’est soumis lui-même à la Loi. Il veut la Loi pour pouvoir en faire jaillir la grâce. Il a demandé le baptême d’eau à Yohanan, qui était un prophète juif, Jean-Baptiste. Pourtant Yohanan confesse lui-même qu’il n’arrive pas à la cheville de celui qu’il appelle l’Epoux, le plus fort, qui baptise dans l’Esprit et le feu. Jean-Baptiste ne se voit que comme l’ami de l’Epoux. Pas comme faisant partie lui aussi de l’Epouse. Mais puisqu’il témoigne de Jésus comme Fils de Dieu, nous savons qu’il fait partie de l’Epouse. Il précise au sujet de Jésus que l’Esprit demeure en permanence sur Jésus. Cet Esprit, donnera la preuve qu’il ne quitte jamais Jésus, en ressuscitant son corps d’entre les morts.  Le mariage a réussi. Nous sommes, avec Jean-Baptiste membres du corps du Christ. 

L’heure pour laquelle Jésus est venue, l’Evangile de Jean en parle comme l’heure de l’élévation. Ce mot « élévation » réunit les deux aspects de l’heure : élévation de Jésus sur une croix, élévation de Jésus vers le Père. L’heure de l’élévation de Jésus, cette heure dont il parle à sa mère à Cana, a des effets rétroactifs et anticipateurs sur toute l’histoire d’Israël et des Nations. Elle a des effets rétroactifs et anticipateurs sur toutes les personnes, y compris Jean-Baptiste. Jean-Baptiste ne se croyait pas digne de faire partie de l’Epouse. Mais il en fait partie. Nous avons là une indication sur la façon de vivre fraternellement dans l’Eglise. Si un frère, une sœur ne se sent pas digne de ce mariage, comportons-nous avec cette personne de façon qu’il ou elle découvre qu’elle fait partie de l’Epouse, qu’il ou elle est vraiment un enfant du grand Dieu d’Israël. Ne laissons pas dire que le vin manque. Amen.

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