• le 7 juillet 2024

L’EXAUCEMENT

Alain NADAL

Luc 18,1-8

Dans ce texte bien connu de ceux qui lisent régulièrement la Bible, Luc, qui rapporte les paroles de Jésus, nous dit dès le premier verset, la façon dont les lecteurs que nous sommes aujourd’hui, doivent comprendre cette parabole : Les chrétiens sont appelés à « toujours prier, sans se décourager »

   Qui d’entre nous, s’il est honnête avec lui-même, ne s’est jamais découragé, quand une prière faite avec foi, tarde à être exaucée, comme nous disons.

   Bien sûr, je ne parle pas d’une prière faite à la sauvette et jamais renouvelée, le genre de prière dont on ne se souvient même plus l’avoir faite, une prière où c’est la bouche qui parle, sans que le cœur soit partie prenante. 

   Je ne parle pas non plus des attitudes que Jésus condamne : « Lorsque vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites qui aiment à prier debout dans les synagogues et au coin des rues pour se montrer aux hommes. En vérité, je vous le dis, ils ont reçu leur récompense » (Mt 6,5). Et aussi, cette autre prière : « En priant, ne multipliez pas de vaines paroles, comme les païens, qui s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne leur ressemblez pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous le lui demandiez » (Mt 6, 7-8)

   Je ne parle pas non plus des prières critiquées par Jacques dans son épitre : « Quand vous demandez, vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal,  dans le but de satisfaire vos passions » (Jc 4,3).  

   Demander mal, c’est demander de mauvaises choses, ou demander pour de mauvaises raisons. C’est rechercher uniquement la satisfaction de nos désirs. C’est aussi chercher à obtenir l’approbation divine sur ce que nous avons déjà décidé de faire. 

   Mais alors, qu’est-ce qu’une prière faite avec foi ? C’est une prière adressée chaque jour au Seigneur, depuis parfois des mois ou des années, où la bouche, l’esprit et le cœur de celui qui prie sont à l’unisson. 

  Comme exemples, je citerai la prière qui demande la conversion d’un ou plusieurs de ses enfants, ou de son conjoint, ou d’un proche ; celle qui demande la guérison d’addictions diverses (alcool, drogue, sexe) qui détruisent sa propre vie, ou la vie de sa famille, ou celle de son couple ; celle qui demande à Dieu la guérison physique d’un être cher ; ou celle qui demande à Dieu de mettre sur sa route le conjoint qu’il lui destine…

   Revenons à la parabole. Quelle est l’exhortation du premier verset ? : toujours prier, sans se décourager.

« Toujours prier » ne signifie pas prier 24h/24 en répétant machinalement les mêmes requêtes. Nous avons vu ce que dit Jésus à propos de ce genre de prière. « Prier sans se décourager », c’est présenter chaque jour nos demandes à Dieu, avec la confiance qu’il nous entend et nous exaucera. Puisque nous vivons par la foi, nous ne devons pas abandonner. Dieu peut retarder ce que nous considérons comme sa réponse, mais il a toujours d’excellentes raisons de nous faire patienter. La persévérance dans la prière a des effets bénéfiques sur notre caractère et notre foi.

   Tous les chrétiens souhaitent un exaucement immédiat. Cela arrive, parfois.

Lorsque Dieu tarde à exaucer — c’est ce que nous disons — c’est 1) soit qu’il veut tester la sincérité de notre demande et de notre confiance, c’est-à-dire si nous désirons vraiment ce que nous demandons, 2) soit qu’il a un autre plan pour nous, 3) soit qu’il veut nous faire comprendre quelque chose qu’un exaucement immédiat ne nous aurait pas permis de comprendre.

   J’ai vécu cette dernière situation ; ce que je demandais à Dieu s’est fait attendre 5 années. Cela a été long et douloureux. Pourquoi le Seigneur a-t-il tant tardé à me répondre ? C’est ce que je lui ai demandé. Il me l’a  fait parfaitement comprendre ; ce qui m’a fait grandir dans la foi et dans la confiance que les promesses d’exaucement des prières faites avec foi et persévérance sont vraies.

   Nous avons parfois l’impression que le Seigneur n’a pas entendu notre prière parce que, ce qui nous arrive est justement ce que nous ne voulions pas. Alors, un sentiment de révolte monte en nous  : « Mais pourquoi, Seigneur, as-tu permis cela  !  Tu sais bien que ma demande n’était pas égoïste ! » 

   C’est une autre situation que j’ai vécue. Cela a été dur ! Sans doute une des épreuves les plus dures de ma vie. Mais quelques semaines après, ce que je prenais pour une injustice s’est révélé être une bénédiction, et une preuve de son amour.

   Il est bon de prendre conscience que nous ne voyons pas plus loin que le bout de notre nez. Mais le Seigneur, lui, voit beaucoup plus loin ! Et il a un plan qui nous échappe aussi.

   Dans la parabole, la femme avait tout contre elle : À cette époque, une veuve était vulnérable, sans protection et à la merci de personnages puissants qui n’ont que faire du droit des « petits » comme elle. C’est le cas de ce juge qui ne craignait ni Dieu ni les hommes. Bien qu’étant conscient que cette femme avait raison dans ce qu’elle lui demandait, il n’avait rien à craindre d’elle et faisait la sourde oreille. 

  À vue humaine, le cas de cette veuve est désespéré. Elle n’obtiendrait jamais justice face à ce juge insensible ! C’était sans compter avec l’arme puissante que  Dieu avait donné à cette femme, et dont elle n’était pas consciente : la patience et l’obstination. 

   C’était aussi sans compter sur la faiblesse du juge tout-puissant : il ne supportait plus que cette femme vienne sans cesse lui « casser la tête » (c’est ce que  traduisent  certaines versions de la Bible). C’est donc uniquement pour préserver sa tranquillité qu’il lui fait justice.

   Lorsque, à la fin de la parabole, Jésus fait un parallèle entre l’attitude du juge et celle de Dieu, comprenons bien que c’est un parallèle inversé : Si le juge injuste rend justice à cette veuve pour qu’elle ne vienne plus lui casser la tête, à plus forte raison, Dieu qui est juste et aimant exaucera la prière de ses enfants : « Écoutez ce que dit le juge injuste, dit Jésus. Et Dieu ne fera-t-il pas justice à ceux qu’il a choisis( ou bien : à ses élus) et qui crient à lui jour et nuit ? Les fera-t-il attendre ? Je vous le dis,  il leur fera rapidement justice » (v. 6-8 ).

   Je veux souligner la précision que Jésus apporte ici : « Dieu ne fera pas justice à ceux qu’il a choisis ( à ses élus ) ». Ce n’est pas un détail ! C’est un rappel que Dieu n’exauce pas la prière de quelqu’un qui ne s’est pas repenti. Voici ce que rapporte Jean dans son évangile : « Nous savons que Dieu n’exauce pas les pécheurs ; mais si quelqu’un honore Dieu et fait sa volonté, celui-là il l’exauce » (Jn 9,31). Lorsque Dieu nous exauce, ce n’est pas parce que nos prières lui « cassent la tête », c’est parce qu’il nous aime et qu’il veut nous faire entrer dans son plan  afin que nos vies le glorifient, d’une façon ou d’une autre.

    Pour illustrer ce dernier point, je vais lire 2 versets de l’épitre aux Hébreux : « Pendant sa vie terrestre, Christ a présenté avec de grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et il a été exaucé à cause de sa piété. Ainsi, bien qu’étant Fils, il a appris l’obéissance par ce qu’il a souffert » (He 5,7-9).

   Une première lecture nous laisse sceptique : Jésus n’a pas du tout été exaucé, puisqu’il est mort crucifié, deux jour plus tard ! Alors, comment comprendre ce texte ?

   L’auteur parle ici de ce qui s’est passé dans le jardin de Gethsémané où, avant d’affronter la mort, Jésus a vécu l’agonie (Lc 22,39-45). Bien qu’il ait crié à Dieu pour demander que la mort lui soit épargnée, Jésus était prêt à obéir et à souffrir l’humiliation, la séparation d’avec son Père et la mort. Il l’exprime clairement dans sa prière  « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe. Toutefois, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne, qui soit faite » (v. 42).

    L’exaucement dont parle l’auteur de l’épitre aux Hébreux, c’est qu’il ait pu faire la volonté de son Père et qu’il ait eu le courage d’aller jusqu’au bout de la mission que Dieu lui avait confiée : Donner sa vie pour sauver les hommes, pour les réconcilier avec Dieu. 

   Nous aussi, nous subirons certainement des épreuves, non pas que nous voulions souffrir, mais à cause de notre volonté d’obéir à Dieu. Que l’obéissance dont Jésus a fait preuve nous soutienne et nous encourage en cas de difficulté ! Nous pourrons tout supporter, si nous savons que Christ est avec nous. Au lieu de penser que le Seigneur n’entend pas nos prières, ou n’y répond pas comme nous l’aurions voulu, demandons-nous si nous les formulons dans un réel esprit de soumission, avec le désir de lui obéir pour lui rendre gloire. Dieu répond toujours à ses enfants obéissants.

   Ne nous lassons pas de prier avec persévérance, en ayant toujours en tête la prière de Jésus à Gethsémané : Il a renoncé à la vie pour faire la volonté de son Père. Que les requêtes que nous adressons à Dieu soient toujours faites dans le but de lui être soumis pour que notre vie le glorifie.

   Souvenons-nous de ce Jacques a écrit : « Quand vous demandez, vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, dans le but de satisfaire vos passions » (Jc 4,3).  

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