• le 26 février 2023

DEVENIR CE QUE JÉSUS EST

Matthias HELMLINGER

Matthieu 4 versets 1 à 11

1Alors Jésus fut conduit par l’Esprit au désert, pour être tenté par le diable. 

2Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il finit par avoir faim. 

3Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » 

4Mais il répliqua : « Il est écrit : Ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu. » 

5Alors le diable l’emmène dans la Ville Sainte, le place sur le faîte du temple 

6et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas, car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges et ils te porteront sur leurs mains pour t’éviter de heurter du pied quelque pierre. » 

7Jésus lui dit : « Il est aussi écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » 

8Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne ; il lui montre tous les royaumes du monde avec leur gloire 

9et lui dit : « Tout cela je te le donnerai, si tu te prosternes et m’adores. » 

10Alors Jésus lui dit : « Retire-toi, Satan ! Car il est écrit : Le Seigneur ton Dieu tu adoreras et c’est à lui seul que tu rendras un culte. » 

11Alors le diable le laisse, et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient.

Prédication 

Dans son livre « Les misérables », Victor Hugo décrit la vie d’une jeune fille à Paris, Fantine qui tombe amoureuse d’un jeune étudiant. Ils ont un enfant, Cosette. L’étudiant rentre chez lui en province et laisse tomber Fantine et son bébé, Cosette. Fantine tombe dans la misère et doit quitter Paris elle aussi. Dans une auberge, elle fait confiance aux Ménardier qui se proposent d’élever sa fille contre une pension. L’affaire est conclue. Mais ce couple Ménardier, aussitôt que la mère est partie, maltraite Cosette, et réclame de plus en plus d’argent à Fantine qui est retournée gagner sa vie à Paris. Fantine se prostitue pour envoyer l’argent qu’on lui demande. Elle vendra même des parties de son corps : ses cheveux, ses dents. Avec sa bouche édentée, elle meurt finalement sans avoir pu revoir sa fille et celle-ci ne saura jamais tous les sacrifices consentis par sa mère pour qu’elle vive. Et pourtant si : un jour, bien des années plus tard, Jean Valjean vient sauver Cosette des griffes des Ménardier et par les circonstances de la vie, elle découvre ce que sa mère a souffert par amour pour elle et que, contrairement à ce qu’elle croyait, sa mère ne l’avait jamais abandonnée.

Nous de même, nous ne saurions rien de l’amour de Jésus pour nous, maintenant que nous ne le voyons plus, si les apôtres ne nous avaient pas donné la certitude qu’il s’est donné entièrement pour nous, que toutes ses souffrances, il les a vécues pour nous.

Oui, Jésus a souffert et souvent dans la plus complète solitude. Dans le Credo que nous avons récité avec les enfants, nous avons dit : « il a souffert sous Ponce Pilate ». Voilà en trois mots le résumé de la vie de Jésus : « il a souffert ». Aujourd’hui, nous méditons le récit de la tentation de l’évangile tel qu’il se trouve dans l’évangile selon Matthieu. Être tenté, c’est souffrir. C’est être déchiré entre deux choix qu’il faut faire, d’un côté la facilité, de l’autre côté, la difficulté, la souffrance. Jésus a été tenté dans la solitude du désert pendant quarante jours, et pour nous, il n’a pas choisi la facilité.

Jésus a souffert pour nous dans une solitude complète pendant ses quarante jours dans le désert, juste après son baptême, mais aussi chaque nuit, chaque jour, où il priait pour les siens. La souffrance la plus grande a été, non pas la croix, mais juste la veille, la nuit dans le jardin de Getsémané, où il a soumis sa volonté à celle de son Père. Il a transpiré d’angoisse tellement fort que du sang a coulé des pores de sa peau. Il priait pour avoir la force de continuer à nous aimer jusque dans la mort, pour accomplir ainsi la volonté de son Père qui voulait devenir aussi notre Père. Sur la croix il a prié ce que prient beaucoup d’êtres humains : « mon Dieu, mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Mais je voudrais maintenant corriger ce que je viens de dire. J’ai dit : « Jésus a souffert pour nous dans une solitude complète ». C’est faux en partie, car Il a aussi souffert en public. Ici, dans notre texte, il dit à Satan de s’en aller. Mais un jour il devra le dire à Pierre son apôtre, l’apôtre sur lequel il a fondé l’Eglise : « va t’en, Satan ! » Il était obligé de dire cela à son apôtre, parce que celui-ci voulait l’empêcher d’aller mourir sur une croix, immédiatement après avoir lui témoigné de sa foi. Jésus a donc été tenté par Pierre, il a dû souffrir de ce que ses disciples ne comprenaient pas la nécessité de la croix pour lui, et de la même manière il est tenté par l’Eglise aujourd’hui, quand elle ne veut plus prêcher sa croix, prêcher son amour qui est allé jusqu’à aimer ce qui n’est pas aimable. Qu’est-ce qui n’est pas aimable ? L’être humain tel qu’il est : pécheur. Mais Jésus n’a pas été tenté que par Pierre. Il a été tenté en public plusieurs fois par ceux qu’il rencontrait  et s’opposaient à lui : quand on a voulu le prendre en défaut quant à sa miséricorde pour les pécheurs, en lui demandant de juger une femme adultère, quand on a voulu le prendre en défaut quant à son respect de la Loi de Dieu, quand on a voulu le prendre en défaut quant à son rôle de libérateur d’Israël sous le joug de l’occupant romain. Tout cela, ce sont des tentations publiques auxquelles Jésus a répondu chaque fois avec une sagesse étonnante, une Sagesse d’En Haut. Ces tentations, nous continuons à les lui faire dans notre cœur et nous n’avons pas besoin de nous forcer. Je vous en donne un exemple : quand j’étais adolescent  – je lisais la Bible déjà depuis plusieurs années – j’ai douté de la vérité du Royaume de Dieu, je me disais – Jésus a parlé du Royaume de Dieu venu sur terre, mais il y a des millions de gens qui meurent de faim. Qu’est-ce que c’est que ce royaume ? Comment cela peut-il être vrai, alors que, depuis la venue de Jésus, tout est comme avant, ce ne sont partout que violences, mensonges, injustices ?  Ces pensées que nous avons dans notre cœur sont des vraies tentations pour Jésus. Car lui aussi souffre de ces injustices, comme nous. Dans le récit de Matthieu, quand le diable tente Jésus, il lui propose le gouvernement de ce monde : si Jésus avait accepté, il aurait pu faire en sorte que plus personne ne meure de faim, il aurait pu faire cesser toutes les injustices, toutes les guerres avec leur cortège d’atrocités et de souffrances. Jésus aurait pu gouverner le monde tout de suite, pour le bien de tous. Avec le diable, on reçoit tout ce qu’on veut tout de suite. Certaines personnes ayant choisi de prier le diable, ont témoigné avoir obtenu immédiatement les pouvoirs qu’elles avaient demandés. C’est ce qui attirant avec le diable : on a tout ce qu’on veut, tout de suite. Mais il faut lui prêter allégeance, et ça, Jésus ne l’a pas fait. Il ne reconnaît que son Père comme Dieu.

Jésus connaît la vraie réalité. La vraie réalité, ce n’est pas seulement le monde que l’on voit, avec ses souffrances. La vraie réalité, c’est aussi le ciel avec le bonheur éternel, la joie indestructible. La vraie réalité, c’est le ciel et la terre ensemble. Jésus a résisté au diable pour que nous puissions recevoir nous aussi Dieu notre Père dans notre vie. Ça, le diable ne peut pas nous le proposer : la venue du ciel dans nos cœurs, la vie d’êtres humains qui se savent aimés d’un Père dans le ciel. Le diable n’est pas Dieu, il est une créature, seulement une créature et Dieu est Dieu, Dieu seul est Créateur de tout, du ciel et de la terre, comme nous le disons dans le Credo : « je crois en Dieu le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ». Vous aurez remarqué que dans le Credo on ne dit pas une seule fois : « je crois au diable ». La vérité, la réalité que Jésus vise pour nous, c’est le ciel et la terre ensemble, Dieu et les êtres humains ensemble, Dieu et sa création ensemble. Dans le Notre Père nous prions ainsi : « que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ». Le diable peut parader dans ce monde. Mais il ne parade pas au ciel. Au ciel, il n’y a que Jésus qui y soit arrivé. Il y est arrivé pour nous tous, pour que nous puissions le suivre sur le chemin de l’obéissance à Dieu notre Père comme lui a obéi à Dieu son Père, avec les mêmes moyens que nous : la Parole de Dieu, la prière, le Saint-Esprit. Jésus n’a pas réussi dans le monde, mais il a réussi dans le ciel. Et les réalités célestes sont les seules durables. 

Le but de notre vie, je ne dirai pas qu’il est dans le ciel, comme on l’entend souvent dire de la part des chrétiens, à cause d’un verset qui dit de rechercher les choses qui sont En Haut, dans le ciel. Il faut bien interpréter ce verset : nous recherchons effectivement les choses que Jésus nous a acquises pour l’éternité dans le ciel, mais c’est pour les vivre déjà maintenant, sur terre, comme lui, qui guérissait, pardonnait, enseignait, parlait de son Père à qui voulait bien entendre. Le but de notre vie est que la volonté de Dieu soit faite sur la terre comme elle est faite dans le ciel. Le but de notre vie est que Jésus soit connu. Que tous connaissent ce que Jésus a gagné pour nous, en étant tenté comme nous à cause de tout ce qu’on souffre sur terre. Jésus ne s’est rien attribué. Il a préféré continuer à avoir faim, plutôt que d’utiliser pour lui-même le pouvoir du Saint-Esprit qui peut changer des pierres en pains. Jean-Baptiste disait même que Dieu peut créer des êtres humains fils d’ Abraham à partir des pierres. Jésus n’a pas utilisé pour lui-même la puissance du Saint-Esprit, mais pour nous, toujours pour nous. Pour que la vie du Saint-Esprit soit pour nous une source permanente où nous pouvons puiser toujours à nouveau chaque fois que nous avons soif. Dans le désert, Jésus a attendu que le Père lui envoie des anges pour lui servir à manger, comme cela est arrivé à Elie le prophète, comme cela est arrivé aux Hébreux dans le désert pendant quarante ans. Mais quand Jésus s’est trouvé en présence de milliers de gens qui avaient faim et qui l’avaient écouté pendant des heures, il n’a pas attendu, il ne leur pas dit d’aller prier Dieu pour qu’il leur envoie des anges, il a multiplié les pains, il leur a donné lui-même à manger, en utilisant le pique-nique d’un enfant qui était prêt à le partager. Rien pour lui, tout pour nous. C’est la vie que Jésus a choisi de vivre. Et ce fut une vie de souffrance, et c’est encore une souffrance pour lui, quand tant de personnes dans le monde ne le connaissent pas, quand ceux qui parlent de son amour sont maltraités et tués. C’est une souffrance, mais c’est aussi une joie : la joie de la résurrection, la joie de l’amour qui se répand, l’amour de son Père qui ne veut pas qu’un seul de ces êtres humains qu’il chérit tant ne se perde. Amen.

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